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des infirmières. On lui noue autour de la tête un vieux ruban fané, bleu ou rose ; on peigne avec soin, on boucle même les jours de loisirs ses petits cheveux coupés courts et on amasse sur son lit quelques vieux jouets que les autres regardent avec envie. Ce sont là de ces faveurs dans la distribution desquelles le prosélytisme religieux n’a rien à voir et qui montrent que l’inégalité se glisse partout, même à l’hôpital.

J’ai dit le bon côté, je dois dire le mauvais. Il est certain que la composition du personnel des infirmiers et infirmières est depuis longtemps un sujet de préoccupation pour l’administration. Le grand vice, c’est l’absence de toute sécurité et la nécessité d’une surveillance continue à tous les points de vue, aussi bien à celui du soin des malades qu’à celui de la régularité de leur conduite personnelle. C’est aussi le défaut d’instruction et d’expérience, qui tient à l’instabilité et au renouvellement incessant de ce personnel. Comment espérerait-on qu’il en pût être autrement, quand on songe que c’était naguère pour une somme de 10 francs par mois que ces malheureuses filles faisaient le service le plus pénible, le plus fatigant et parfois le plus dangereux ? Aussi, de tous les moyens auxquels on a eu recours pour relever le niveau des infirmières, le plus efficace a-t-il été d’augmenter leurs gages et d’y joindre une gratification proportionnée à la durée de leurs services. Elles peuvent aujourd’hui arriver à un maximum de 250 francs au bout de quatre années de service consécutif. Ces mesures sont assez récentes, et l’on peut espérer qu’elles amèneront une certaine amélioration dans ce personnel, en même temps qu’elles permettront d’apporter une sévérité plus grande dans le recrutement et d’écarter des individus qui n’y étaient acceptés, disait M. Husson, que faute de mieux. Mais ce personnel n’en aura pas moins toujours besoin d’être soumis à une surveillance incessante, dont mieux que personne les sœurs sont propres à s’acquitter. Il suffit d’avoir vu à la Salpêtrière, où les sœurs sont remplacées par des surveillantes laïques, les infirmières, habillées en hommes le mardi-gras, danser avec les malades et plaisanter avec les externes, pour apprécier combien l’austère fermeté des sœurs est nécessaire pour leur donner une certaine tenue. Ajoutons, à titre de renseignement qui a son prix et à l’adresse de ceux qui voudraient remplacer les sœurs par des surveillantes laïques comme à la Salpêtrière, que le traitement de celles-ci est de 500 francs par an, tandis que le service des sœurs est gratuit. L’administration ne doit à la communauté avec laquelle elle traite que les frais de vestiaire, évalués à 200 francs. Laissons donc à tous les points de vue le couvent à l’hôpital, puisque le mot a été dit, et ne nous plaignons pas avec trop d’amertume de payer, au prix de