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de concorde, il l’enseignait par ses remercîmens comme par ses promesses, par la doctrine comme par l’exemple. Noble exposé de principes qui allait de Portsmouth à toute l’Angleterre, de l’Angleterre à la France, et de la France à l’Europe.

Vers dix heures, on signale le canot du prince Albert, qui s’avance à force de rames. Le prince arrive, il est accompagné du duc de Wellington, qui est là sur son domaine à titre de commandant des cinq ports. Ils montent à bord du Gomer. Le roi reçoit le prince en haut de l’escalier du navire et l’embrasse affectueusement ; le vieux Duc de fer lui adresse ses hommages, puis, après les complimens et les shakehands, tous trois descendent dans le canot qui les emmène à terre. Là, des voitures de la cour les conduisent au chemin de fer dont le train spécial se met en route immédiatement. À deux heures, on arrive à Windsor. Au bas du grand escalier du château se tenaient la reine Victoria et sa mère la duchesse de Kent ; le premier ministre sir Robert Peel était auprès de sa majesté.

À propos du séjour de Louis-Philippe à Windsor, ne cherchons pas dans les notes de Stockmar des confidences singulières, des révélations inattendues, comme celles qu’il nous a fournies sur le roi de Prusse et l’empereur de Russie. Stockmar était parti pour le continent au mois de septembre 1844, deux ou trois semaines avant l’arrivée de Louis-Philippe en Angleterre. Était-ce une marque de son peu de sympathie pour la France ? C’eût été en tout cas un manque de convenance envers ses augustes maîtres. Sans lui prêter plus de mauvais sentimens qu’il n’en avait à notre égard, il suffit de dire que, n’ayant pas de titre officiel et n’étant obligé à rien, il avait profité de sa liberté pour revoir son pays. Cette visite du roi des Français, il le savait d’avance, ne pouvait rien lui apprendre. Il n’y avait là aucune pensée secrète à deviner, aucun plan caché à découvrir. Sir Robert Peel ne lui aurait répété cette fois aucun entretien qui fût de nature à intéresser l’observateur politique, lord Aberdeen pas davantage. Les seules conversations politiques de ce voyage eurent lieu entre M. Guizot et les principaux hommes d’état anglais, whigs et tories, au sujet de cette question de droit maritime qui passionnait alors les deux pays. Fallait-il absolument, pour assurer la répression de la traite des nègres, que les navires français pussent être visités par la marine anglaise ? Les Anglais réclamaient ce droit, en reconnaissant un droit réciproque aux autres puissances ; les Français n’admettaient pas que la police du pavillon national pût être faite autrement que par l’autorité française. Tout à fait d’accord sur le fond, les deux peuples n’étaient divisés que sur la forme, mais cette division était arrivée à l’état aigu, et des deux côtés des clameurs hostiles retentissaient. Les deux gouvernemens s’appliquaient à calmer les passions, à