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d’une pendule, et pas un mot pour éclaircir la locution ! Eh ! la pendule ne m’importe guère, mais « qu’elle ne sorte donc point de votre tête comme un serpent, » voilà ce qu’il nous fallait expliquer.

Dans un autre fragment on rencontre le nom de Jabach. « Ce Jabach était, paraît-il, un ancien fournisseur de Mazarin, à la fois marchand et curieux. » Ce n’est ni marchand ni curieux ni fournisseur qu’il faut dire, c’est familier de Mazarin, amateur illustre et riche banquier, assez riche pour avoir acheté les plus fameux joyaux de la collection de peinture de Charles Ier, roi d’Angleterre. Peut-être même, au bas de ces pages libéralement chargées de tant de notes, était-il intéressant de rappeler que, ce Jabach étant tombé depuis en déconfiture, c’est de lui que Colbert acquit pour le cabinet du roi nombre de chefs-d’œuvre qui sont encore aujourd’hui l’orgueil de notre musée du Louvre, ainsi le Saint Jean de Léonard de Vinci, le Christ au tombeau du Titien, le Concert champêtre du Giorgione, etc. Et c’est encore sa collection de dessins qui est devenue l’origine de la collection actuelle du Louvre[1]. L’erreur ou plutôt l’omission n’est rien, c’est la méthode qui est dangereuse, et cette habitude ordinaire aux érudits de ne mesurer l’abondance des renseignemens qu’ils donnent qu’à l’abondance des documens qu’ils se trouvent avoir entre les mains. Il arrive alors comme ici qu’un personnage fort intéressant disparaisse à l’arrière-plan, et que tel autre, dont nous n’avons que faire, prenne sa place au premier. M. la Forêt, par exemple, ou « Marguerite-Louise-Suzanne de Béthune, mariée à treize ans, le 23 janvier 1658 au comte de Guiche, fils aîné du maréchal de Gramont. » C’est un grand art que de savoir faire des sacrifices. Parce qu’on aura sous la main l’Histoire généalogique de la maison de Gondi par Corbinelli, ce n’est pas une raison pour surcharger la page de quinze lignes sur la duchesse de Lesdiguières, qui n’intéresse, que je sache, à aucun titre, ni l’histoire, ni Mme de Sévigné.

C’est la méthode encore à qui nous en avons quand nous relevons ce détail de l’Introduction. On lisait dans une lettre du 26 août 1675 : « M. de Pompone me dit qu’il y avait encore du désordre en Provence; je n’en avais pas entendu parler; je lui demandai que c’était. » Il faut lire, nous dit M. Capmas, d’après le nouveau manuscrit, « je lui demandai ce que c’était; » voilà qui va bien, mais pourquoi cette réflexion? « Si Mme de Sévigné s’était réellement permis cette ellipse, ne faudrait-il pas reconnaître que certaines manières de parler de la population la moins cultivée des boulevards parisiens ont une origine bien plus ancienne et plus noble qu’on ne pense? » L’origine est bien plus ancienne et par conséquent bien plus noble encore : et sans compter que l’ellipse vient du latin en droite ligne, elle est pour ainsi dire de règle

  1. Frédéric Reiset, Notice des Dessins du Louvre.