Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

selon les lieux et les saisons, car la faune et la flore microscopique ont leurs habitats comme les plantes et les animaux qui frappent nos yeux. Dans l’eau de lavage d’une grappe de raisin, on trouve les germes des levures qui produisent la fermentation alcoolique de la vendange et ceux de la fleur du vin, de la fleur du vinaigre, etc. Dans une macération de poivre, on rencontre des germes exotiques, apportés des pays où le poivrier a vécu, et qui donnent naissance à des végétations d’un aspect insolite. Une macération de foin brut fourmille de kolpodes, tandis qu’on n’en trouve guère dans une infusion de foin qu’on a fait bouillir et qu’on expose à l’air dans un lieu abrité, parce que les kystes de kolpodes sont trop lourds pour rester suspendus dans l’air. Dans la rosée recueillie sur des ballons remplis de glace qui avaient été exposés toute la nuit dans la plaine de Gennevilliers, on a trouvé les germes des algues qui se développent sous l’influence des eaux d’égout de la ville de Paris, et qui ont déjà causé une endémie de fièvres intermittentes. L’air des laboratoires où s’exécutent souvent des expériences sur les fermentations, celui des brasseries, caves, germoirs, etc., est nécessairement très chargé de spores de toute sorte, et les ustensiles conservés dans ces locaux en sont également couverts; il en résulte qu’il y est plus difficile de se débarrasser des causes d’erreur qui peuvent influencer les expériences.

Enfin, parmi les spores qui tombent pêle-mêle dans un liquide fermentescible, les unes y rencontrent des conditions favorables à leur éclosion, d’autres au contraire ne peuvent s’y développer que péniblement ou même y périssent tout de suite. Le moindre changement dans la composition chimique d’un liquide peut modifier les chances de vie qu’il offre à tel organisme microscopique, et par conséquent exercer une influence sur la nature des productions spontanées qui pourront s’y manifester. Ces dernières dépendent surtout des conditions de neutralité, d’alcalinité ou d’acidité du liquide. Une faible acidité favorise le développement des moisissures, tandis qu’elle empêche celui des bactéries et des infusoires; au contraire la neutralité ou une faible alcalinité est favorable à la multiplication de la faune microscopique : bactéries, vibrions, kolpodes, etc. Ces différences dans l’appropriation des liquides à telle ou telle culture sont une source d’erreur contre laquelle les expérimentateurs ne sauraient trop se mettre en garde. Il faut même faire attention à la forme des vases où les liquides sont conservés, car dans une infusion exposée en large surface, sous une faible épaisseur, au contact de l’air, les moisissures se développent très vite et accaparent l’oxygène qui tendrait à se dissoudre dans ce liquide, retardant ainsi, empêchant même l’apparition de la levure.

Pour échapper à toutes ces causes d’erreur et démontrer l’autonomie