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calme et passive. Il aurait soin, lui, Peel, qu’il n’arrivât de ce côté rien de fâcheux pour le prince. »


« 29 juin.

« Melbourne m’a dit, à propos du bill de régence, qu’après sa conversation avec moi il s’était rendu chez lord Wellington. Celui-ci lui avait dit aussitôt : « Que pensez-vous faire ? Il faut faire quelque chose. » — Il avait répondu qu’après mûre réflexion il s’opposait à l’idée de placer n’importe quel conseil auprès du régent. Cette idée de partager le pouvoir exécutif entre plusieurs personnes était contraire à l’esprit de la constitution anglaise. Il était donc d’avis que le père de l’enfant eût la régence à lui tout seul. — Là-dessus, Wellington avait répliqué : « C’est aussi mon avis. Vous désirez sans doute que j’en parle à mes amis, à sir Robert Peel, par exemple ? Je n’y manquerai pas, et nous nous reverrons en temps opportun, pour nous concerter sur la marche à suivre. »


« 8 juillet.

« Le duc de Sussex, chez qui Anson[1] dînait, le prit à part après le repas et lui demanda ce qu’il savait des intentions des ministres au sujet du bill de régence. Anson répondit : « Je n’en sais rien de plus que ce qui se dit dans le public. » — Alors le duc se répandit en plaintes amères sur l’absurdité d’une telle mesure. C’était une chose tout à fait inutile, qui ne manquerait pas d’inquiéter la reine et d’exercer sur sa santé la plus funeste influence. Au reste, les ministres ne risquaient rien en ne s’occupant pas de constituer une régence. Dussent les circonstances les obliger à agir en dehors d’un droit établi sous leur propre responsabilité, il est certain qu’un bill d’indemnité couvrirait tous leurs actes. Il savait du reste parfaitement bien quel était le moteur principal en toute cette affaire. (Il voulait dire : c’est Stockmar.) — Ceci explique parfaitement pourquoi Melbourne, dans un de ses derniers entretiens avec moi, s’était montré si irrésolu, et, cherchant les objections à faire, m’avait répété mot pour mot le raisonnement du duc de Sussex. Le duc, on me l’apprit plus tard, avait fait communiquer son opinion à lord Melbourne (probablement par l’entremise de lord John Russell), et le ministre en avait conçu de l’inquiétude, dans l’idée que la personne d’Albert provoquerait une grande résistance. Le bill va être présenté ces jours-ci, nous verrons si Peel et son parti tiendront parole. »


« 11 juillet.

« C’est lundi que le lord chancelier présentera le bill de régence à la chambre des lords.

« Que des partisans du duc de Sussex puissent dire quelques absurdités, peut-être même faire entendre des vérités désagréables, nous devons

  1. M. Anson était le secrétaire particulier du prince Albert.