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les brasseries sont encore rares, car la fabrication y devient très coûteuse par la dépense exagérée de glace. Néanmoins on voit déjà les brasseries se multiplier en Australie, dans l’Inde, au Brésil, etc. Comment faisaient les anciens Égyptiens, qui ont inventé la bière? Sans doute ils la consommaient très vite sans lui laisser le temps de s’altérer.


II.

La bière n’est malade que lorsqu’elle a subi une de ces altérations profondes qui la rendent très désagréable au goût et qui font dire, par exemple, qu’elle est aigre, sûre, tournée, filante, putride. On aurait tort d’appeler maladie une simple modification dans la qualité des bières, résultant de la composition du moût, de l’inhabileté du brasseur, etc. Toute altération véritablement maladive de cette boisson coïncide toujours avec le développement d’organismes microscopiques étrangers à la nature de la levure proprement dite. On peut s’en assurer de la manière la plus simple en gardant plusieurs semaines un certain nombre de bouteilles de bonne bière, après en avoir préalablement chauffé quelques-unes à 55" ou 60°, La bière chauffée restera saine, tandis que la bière non chauffée s’altérera complètement, et en l’examinant sous le microscope on y découvrira, associés aux cellules de la levure alcoolique, les organismes filiformes qui constituent les fermens de maladie.

D’après M. Pasteur, le ferment qui caractérise la bière tournée se compose de bâtonnets de longueur variable, d’une épaisseur d’un millième de millimètre, simples ou articulés et formant chaîne. Le moût et la bière qui ont subi la fermentation lactique contiennent de petits articles légèrement étranglés en leur milieu, plus gros que les bâtonnets de la bière tournée, et le plus souvent isolés. Dans le moût et la bière putrides, on trouve des vibrions mobiles, d’un diamètre supérieur à celui des fermens qui précèdent. La bière filante est caractérisée par des chapelets de grains presque sphériques. Dans la bière piquée, aigre, fourmillent les chapelets d’articles du mycoderma aceti, ferment propre au vinaigre, qu’on peut facilement confondre avec le ferment lactique. Un autre ferment, qui se compose de petits grains réunis par deux ou par quatre, et qui se rencontre seul ou associé au ferment de la bière tournée, produit une acidité particulière qui rappelle celle des fruits verts ; il donne à la bière un goût aigre et une odeur qui la rendent détestable.

Les germes de ces fermens, d’une petitesse infinie, font partie des poussières que l’air charrie ou qui sont déposées à la surface de tous les objets; ils s’introduisent dans le moût et dans la bière pendant