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— l’usage des cuves et des vaisseaux hermétiquement clos, dit M. Pasteur, ont pour principale origine et pour raison d’être la nécessité de combattre ou de prévenir les maladies auxquelles le vin est sujet. On peut en dire autant, et avec plus de vérité encore, de la bière, parce que celle-ci est plus altérable que le vin. La fabrication et le commerce de cette boisson se trouvent constamment aux prises avec les difficultés de sa conservation ou de celle du moût qui sert à la produire. » Ainsi la rapidité avec laquelle doit s’opérer le refroidissement du moût est commandée par le danger que l’on court de voir apparaître des fermentations maladives aux températures comprises entre 25 et 35 degrés. La mise en levain, — qui est inconnue dans l’art de la vinification, — n’a point pour but d’activer la fermentation du moût, car une fermentation rapide nuit plutôt à la qualité de la bière : on n’a recours au levain que pour éviter la production des fermens de maladie, en faisant envahir promptement toute la masse du moût par la fermentation alcoolique. Si on l’abandonnait à la fermentation spontanée, comme on le fait pour la vendange, on ne recueillerait le plus souvent qu’un liquide acide ou putride. Enfin l’emploi du froid dans la fabrication des bières basses n’a d’autre but que d’empêcher l’éclosion des fermens de maladie, qui apparaissent difficilement au-dessous de 10 degrés. Les brasseurs anglais, bien qu’ils n’aient pas encore adopté le nouveau procédé, ont cependant réalisé un progrès dans la conduite de la température de fermentation, qui doit être maintenue entre des limites étroites et rigoureuses sous peine de voir apparaître des fermens nuisibles.

La plupart des pratiques qui sont de tradition dans le commerce de la bière et dans le débit de cette boisson ont été également inspirées par la nécessité d’en prévenir l’altération. C’est pour l’empêcher de se piquer pendant la vidange qu’on la conserve dans des tonneaux très petits qui peuvent être promptement vidés. Veut-on expédier au loin les bières de garde, on les fait voyager dans des wagons entourés de glace. Quant aux bières hautes, elles ne peuvent voyager, à moins de contenir une très forte proportion de houblon, qui agit jusqu’à un certain point comme antiseptique. Aussi l’exportation des bières anglaises n’a-t-elle pu se développer[1]. Elle a entraîné de grandes pertes : on cite une brasserie qui a perdu dans une seule cargaison 1,200,000 francs parce que, à l’arrivée aux Indes, toute la bière expédiée s’est trouvée tournée.

Dans les pays chauds, où cette boisson aurait un si facile débit,

  1. En 1871, la Grande-Bretagne a exporté 790,000 hectolitres de bière, représentant une valeur de 46 millions de francs. Sur cette quantité, l’Inde a reçu 260,000 hectolitres, l’Australie 130,000, etc. Cette exportation ne représente que 2 pour 100 de la production.