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petits tonneaux; l’écume sort par les trous de bonde et se rassemble dans un caniveau commun placé au-dessous des tonneaux, où on recueille le levain pour les opérations ultérieures. La bière est faite au bout de trois ou quatre jours; elle s’est clarifiée et peut être livrée à la consommation. Les expressions de fermentation haute, bière haute, rappellent que la levure sort par le haut des tonneaux.

La fermentation basse, qui a pris naissance en Bavière, est essentiellement fondée sur l’emploi du froid. Dans ce système, la fermentation est beaucoup plus lente : elle dure de dix à quinze ou vingt jours, et la température ne dépasse pas 6 ou 8 degrés; dans quelques brasseries, on la maintient à 2 degrés. On obtient ce résultat, même en été, par des nageurs en forme de cylindres ou de cônes renversés qui sont remplis de glace. Ici la levure se dépose au fond des cuves ou des tonneaux, où on la recueille après le soutirage de la bière; de là le nom de fermentation basse ou fermentation par bas. La bière basse n’est pas seulement faite, elle est aussi conservée à une basse température. On la fabrique surtout en hiver, et on la garde dans des caves-glacières jusqu’au printemps et à l’été, où la bière est consommée en plus grande quantité. Dans ces caves, la température est maintenue à 6° ou 7°, et même à 2° ou 3°, pendant toute l’année. On a calculé qu’un hectolitre de bonne bière n’exige pas moins de 100 kilogrammes de glace depuis le moment du refroidissement du moût jusqu’à celui de la mise en vente. L’établissement de M. Dreher à Vienne consomme chaque année 45 millions de kilogrammes de glace. Tout cela entraîne des installations dispendieuses, et pour loger les foudres de bière il faut des caves d’une vaste capacité.

Le nouveau procédé de fabrication est plus long, plus compliqué, plus coûteux que l’ancien. Malgré tout, il se généralise rapidement. En Autriche, en Bavière, en Prusse, on voit diminuer de jour en jour le nombre des brasseries qui pratiquent la fermentation haute et s’accroître celui des brasseries de fermentation basse. En Bohême par exemple, on a vu en dix ans le nombre des premières tomber de 280 à 18, et celui des secondes s’élever de 135 à 831; le nombre des brasseries où se fabriquent à la fois les deux espèces de bière est tombé, dans le même temps, de 620 à 119. En France, chaque année voit également s’augmenter la fabrication des bières basses au préjudice des bières à fermentation haute; les bières brunes cèdent le pas aux bières blanches. Si les brasseurs anglais sont restés jusqu’à présent fidèles aux anciennes pratiques, c’est sans doute parce que, dans des villes comme Londres, il n’est pas possible d’augmenter l’étendue actuelle des brasseries autant que le demanderait le nouveau procédé.