Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intérêt de l’Italie. Un jour, comme un de ses plus intimes confidens, M. Artom, lui exprimait des doutes, des craintes, il s’écriait avec sa vivacité entraînante : « J’ai plus de confiance que vous dans les effets de la liberté... Ne voyez-vous pas que le moment est venu de résoudre cette question du pouvoir temporel, qui a été de tout temps la pierre d’achoppement de la nationalité italienne, et que le seul moyen de la résoudre est de rassurer le monde catholique sur le sort que l’Italie fera à la papauté? On fait injure au catholicisme lorsqu’on prétend qu’il est incompatible avec la liberté. Ma conviction est au contraire qu’aussitôt que l’église aura goûté de la liberté, elle se sentira comme rajeunie par ce régime salubre et fortifiant... Lorsque l’Europe sera convaincue que ce n’est pas au catholicisme que nous en voulons, elle trouvera naturel et convenable que le drapeau italien flotte à Rome de préférence à tout autre drapeau. L’entreprise n’est pas facile, mais elle est digne d’être tentée... » Cavour, assurément plus que tout autre, était fait pour la tenter. Il n’avait point encore réussi sans doute, mais, après avoir dégagé de toutes les convulsions et de toutes les divisions une Italie nouvelle, il avait fixé au loin, à l’horizon, un dernier but en traçant la route pour y arriver. Il touchait à ce point culminant d’une destinée où un homme puissant par la liberté, environné d’une popularité sérieuse, ayant sans doute encore des luttes à soutenir, ne peut plus être arrêté que par la mort, venant le surprendre en plein travail, — en plein triomphe!


CHARLES DE MAZADE.