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sont liées. On se souvient encore de ces grèves qui éclatèrent dans les districts charbonniers de la Westphalie au moment même où le travail cessait dans presque toutes les fosses en Angleterre. La première conséquence fut une hausse énorme du prix des charbons, si bien que les propriétaires des mines se réjouirent de la fortune inespérée qui leur arrivait ; mais leur joie ne dura guère : la spéculation s’abattit sur leur industrie et y fit les mêmes ravages que partout ailleurs. La hausse des charbons amena celle du fer ; les compagnies de chemins de fer, afin de compenser l’excès des dépenses qui en résultait pour elles, élevèrent leurs tarifs, ce qui accrut le mal. La consommation s’arrêta ; beaucoup d’usines furent fermées, et l’industrie charbonnière souffrit plus de cette réaction qu’elle n’avait profité d’une hausse passagère.

En vérité, ne faut-il pas être dans cet état maladif créé par les crises pour ne point comprendre qu’un peuple ne saurait s’enrichir en travaillant moins, en produisant plus mal, en vendant plus cher ? Il est arrivé à l’Allemagne ce qui devait fatalement arriver : elle est devenue incapable de supporter la concurrence étrangère. Les importations dépassent les exportations de 900 millions de marcs en 1872, de 1 milliard 800 millions en 1873. Partout où l’industrie allemande se mesure avec ses rivales, elle succombe. On n’a point oublié le cri d’alarme récemment poussé par le commissaire-général de la section allemande à l’exposition de Philadelphie : « Nous sommes au-dessous de tous les peuples pour le travail ; aucun de nos produits ne vaut les produits similaires de l’étranger, et pourtant nous prétendons vendre plus cher. Nous avons fait une belle exposition… d’orgueil avec nos bustes de l’empereur, de Bismarck, de Moltke ; la pauvreté du reste n’en paraît que plus misérable ; nous sommes l’objet de la risée universelle ! » Ainsi parlait naguère M. Reuleaux de ses compatriotes, en s’adressant à eux-mêmes. L’approche de l’exposition de Paris rend soucieuse la presse allemande, qui examine s’il convient que l’industrie germanique s’y fasse représenter. On s’est à peu près résolu pour l’affirmative, après avoir écarté la crainte d’un mauvais accueil que les exposans allemands eussent été exposés à rencontrer chez un peuple qui n’a besoin des leçons de personne pour pratiquer les devoirs de l’hospitalité. On s’exhorte seulement à travailler consciencieusement pour paraître décemment et se bien tenir.


IV.

Aux causes déjà dites de la crise économique en Allemagne il faudrait ajouter, pour être complet, l’abus qui a été fait par les