journaux et par ses orateurs, encouragée par cette médiocrité générale des fortunes, qui rapproche en Allemagne le petit bourgeois de l’ouvrier, et par la condescendance étrange de ces socialistes de la chaire, qui sèment dans l’esprit des jeunes gens quantité d’idées vagues sur la réforme sociale, l’armée ouvrière allemande marche fièrement, sous son drapeau de soie rouge frangé d’or, à l’assaut d’une société désemparée. Elle a profité grandement de la dernière crise pour gagner du terrain sur l’ennemi.
Les socialistes allemands ont aggravé toutes les conséquences funestes de cette crise, et ils ont à peu près annulé tous les avantages que l’on pouvait retirer de l’accroissement de production qui a marqué la reprise des affaires après la guerre. Le travail, étant très recherché, devint très cher : rien de plus légitime, rien de plus heureux, si le travail eût été vraiment productif ; mais la spéculation intervint, la demande fut plus instante que jamais, et, devenus millionnaires, les joueurs ne comptèrent plus. L’ouvrier passa en exigences toutes les limites raisonnables : il fut fait selon sa volonté. Lui aussi partagea l’illusion générale : il se crut riche pour tout de bon. L’avenir étant assuré, ne fallait-il pas d’abord jouir un peu du présent ? Il est de mode de faire fête à un héritage inattendu, à un gros lot inespéré : l’ouvrier allemand fit largement la fête. Près de lui, le parvenu bourgeois élevait des palais et menait la vie à grandes guides ; l’ouvrier fît comme il voyait faire, et dans ses cabarets remplaça la bière par le Champagne. Le salaire qu’il recevait allait bien au-delà de ses besoins, et pourtant les caisses d’épargne n’accusèrent aucune augmentation des versemens ; l’intérieur de l’ouvrier ne s’embellit pas ; sa femme ne fut ni mieux logée ni plus heureuse, et, la bise venue, l’ouvrier se trouva pauvre comme devant, mais plus haineux que jamais et plus préparé à croire aux utopies malsaines. Toute une génération a été ainsi corrompue : l’apprenti qui a débuté par ces orgies en conserve jusqu’à la mort un dangereux souvenir.
Au moment même où ils recevaient les plus gros salaires, les ouvriers travaillèrent moins et plus mal. En temps normal, quand le bon sens exerce tous ses droits et fait voir clairement à chacun son intérêt, le travail augmente en proportion de la demande et arrive ainsi à la satisfaire. Le salaire suit une marche régulière, et l’équilibre économique n’est pas détruit. Dans la dernière crise au contraire, partout où les ouvriers ont été réunis en masse, dans les villes, dans les districts industriels et miniers, sur les chantiers des chemins de fer, non-seulement la journée de travail a été raccourcie, mais le travail a cessé deux jours par semaine, le samedi et le lundi, sans préjudice de la sanctification du dimanche. Ajoutez qu’on