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énormes. Les concerts firent faillite ; les salles de restaurant et de fêtes demeurèrent vides. On passe beaucoup dans la Galerie Impériale, — c’est le nom qu’on lui a donné, — mais on n’y achète guère. Un café y a quelques chalands, et un panopticum où l’on exhibe des figures de cire est le principal ornement du lieu. Le Palais-Royal de Berlin a sur la Galerie Impériale cette supériorité qu’il est demeuré à l’état de projet. Le Grand-Hôtel n’a vu le jour que pour périr bientôt de mort violente. La réclame ne lui avait pas manqué : ce devait être un hôtel comme il n’y en avait dans le monde entier qu’à Paris et à New-York, avec 262 chambres, un ascenseur, un sonnenbrenner. Le jour de l’inauguration, l’empereur parut encore : le premier, il monta dans l’ascenseur. Un dîner de 250 couverts fut servi ; le préfet de police y porta un toast « au succès de la grande entreprise à laquelle sa majesté elle-même, comme elle l’avait prouvé par sa visite impériale, s’intéressait remarquablement. » Dix jours après, hôtes et serviteurs s’enfuyaient éperdus de l’hôtel modèle ; vêtemens, linges, tapis, meubles pleuvaient par les fenêtres ! Le feu était dans la maison, et la maison était si légèrement construite qu’il en eut raison très vite. Ainsi finit « l’Hôtel Impérial. » La glorieuse épithète n’a point porté bonheur : la rue Impériale a attendu ses maisons, la Galerie Impériale ses locataires ; l’Hôtel Impérial eût attendu sans doute ses voyageurs, n’était l’incendie. Il y aurait de quoi s’inquiéter, si l’esprit germanique n’était inaccessible à toute faiblesse et ne laissait la superstition aux dégénérés des races latines.

Les pertes causées par ces seules sociétés de construction sont énormes. Le capital de celles qui ont figuré à la seule bourse de Berlin monte à 100 millions de thaler, que la hausse des premiers temps a portés à 400 millions. Un très grand nombre de ces sociétés sont mortes ; celles qui restent et qui sont chargées d’hypothèques périront à leur tour, car les hypothèques dépassent de beaucoup la valeur réelle du terrain. De nouveau, la propriété foncière berlinoise est grevée, et plus qu’elle ne l’a jamais été, car les inscriptions hypothécaires ont dépassé les mains-levées en 1869 de 9 millions de thaler, en 1871 de 20 millions, en 1872 de 79 millions.

L’histoire des sociétés de construction n’est qu’une partie de l’histoire désastreuse des sociétés industrielles, qui se sont proposé cent objets divers : exploitation de brasseries, de fabriques de produits chimiques, de fabriques de draps, de papier et de machines, de filatures, de manufactures de toute sorte. C’est ici que la loi du 11 juin 1870 a enfanté des monstres. En 1871 et en 1872, tout devient matière à la fondation de sociétés par actions. Alors se mettent