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pour la mener à la promenade. Une fois en possession de l’enfant, elle monte dans sa chambre, accable la petite de caresses et lui coupe la tête. Il fut établi qu’elle n’avait contre les parens ni haine ni animosité. Les apprêts du meurtre durèrent un quart d’heure; pendant tout ce temps, son calme fut parfait; elle n’éprouvait ni plaisir, ni peine, et néanmoins savait parfaitement ce qu’elle faisait. Le crime accompli, elle ne manifeste aucun remords. A tous ces caractères, il est impossible de méconnaître la folie.

Ce besoin de détruire qui pousse au meurtre sans motifs prend quelquefois la forme de la monomanie incendiaire. Cette forme, assure M. Despine, est beaucoup moins grave que les précédentes, parce qu’elle est due, non pas comme les autres monomanies criminelles, à une affection profonde et peu guérissable du cerveau, mais à un état névropathique passager, accompagné d’excitation. Cet état cérébral se manifeste de dix-huit à vingt-cinq ans, rarement au-delà. Souvent la passion incendiaire est accompagnée d’hallucinations en rapport avec l’acte destructeur qu’elle détermine : ainsi l’individu entend des voix qui lui crient : brûle, brûle !

Une des perversions les plus bizarres que puissent subir les affections dans la folie, c’est celle qu’on a désignée sous le nom de monomanie blasphématoire. Il arrive quelquefois que les malades sont irrésistiblement portés au blasphème. On cite un respectable prêtre qui, devenu fou, criait à tue-tête : « Maudits soient Dieu, la sainte Vierge et les saints! » — Une vieille demoiselle très pieuse, devenue mélancolique, avait une telle répulsion contre l’objet de ses anciennes croyances, qu’elle était prise de tremblemens convulsifs quand on lui parlait de l’église et des pratiques religieuses; elle poussait alors des cris terribles, elle injuriait les prêtres, maudissait les dogmes, la divinité, et exhalait une haine furieuse pour la religion. — Il est à remarquer que la folie blasphématoire ne se rencontre que chez des personnes pieuses et fort attachées à la religion dans l’état de santé. C’est toujours le même objet qui continue à remplir leurs pensées; mais leur cerveau malade a perverti les sentimens que leur inspirait cet objet, et elles éprouvent une haine violente pour ce qu’elles aimaient le plus autrefois.

En cherchant l’explication psychologique des perversions manifestées par cette seconde forme de la folie instinctive, nous serions tenté de croire que l’altération des centres perceptifs, et, consécutivement, des facultés dont ces centres sont l’organe, est encore ici plus grande que ne le suppose M. Despine. L’hallucination, qui résulte d’un trouble dans les parties de l’encéphale auxquelles aboutissent les nerfs optique et auditif, nous paraît surtout jouer un rôle important. On ne conteste pas que la monomanie incendiaire