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à toutes les raisons qui militent en faveur de la suppression de nos garnisons coloniales. Les troupes que nous y avons employées jusqu’ici feraient naturellement la garde de nos grands ports, les expéditions, et fourniraient, comme elles l’ont déjà brillamment fait à plusieurs reprises, un contingent à l’armée en cas de guerre continentale. Qu’elles soient dans ce cas payées sur le budget de la guerre ou sur celui de la marine, peu importe, du moment que la dépense est utile. Sur les autres dépenses des colonies, il y aurait bien des observations à présenter et de grandes réductions à opérer. Avec les millions que l’on réaliserait, on augmenterait notre force navale active et on défendrait ces mêmes colonies là où seulement elles peuvent être défendues : sur mer.

Cependant ce transfert du budget des colonies au budget de la marine n’est à nos yeux qu’une ressource dernière, à laquelle on ne devrait recourir que devant des nécessités supérieures de la défense nationale, et après avoir constaté l’impossibilité d’y pourvoir autrement. Il ne peut être question aujourd’hui de combler d’un seul coup les vides que les 200 millions de francs supprimés depuis 1871 ont faits dans le matériel naval; mais une large augmentation du budget de la marine est nécessaire pour pourvoir au plus pressé. Tout ce qu’il est humainement possible de faire pour remettre nos forces navales sur un pied efficace, est fait par l’administration de la marine et par son chef. Le pays et les chambres, qui n’ont reculé devant aucun sacrifice quand il s’est agi de l’armée, voudront, nous n’en doutons pas, seconder leurs efforts et leur fournir les moyens de réussir.

Le moment d’ailleurs n’’est-il pas favorable ? Grâce à la sagesse de la population, de cette population honnête et laborieuse qui refait la France par son travail patient, chaque fois que le fléau de l’invasion, en passant sur elle, la laisse meurtrie et ruinée, grâce au bienfait providentiel d’abondantes récoltes, nos finances ont repris en cinq ans toute leur élasticité. Absorbé dans cette œuvre réparatrice, instruit par une dure expérience de ne prêter qu’une oreille indifférente aux excitations des partis, le bon sens public se sent également assuré que le gouvernement ne peut et ne veut entraîner le pays dans des aventures extérieures. De là un calme profond dans les esprits, et, conséquence inévitable, un développement de prospérité peut-être sans exemple. C’est un peu de cette prospérité que nous voudrions voir reporter sur la marine. Puisse cette requête être entendue; elle n’est pas faite sans de sérieux motifs.