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l’éclairant sur le caractère déraisonnable de ces inspirations. Ce sont les diverses formes décrites par Esquirol sous le nom de monomanies et de lypémanie. — Une seconde classe comprend les aliénations caractérisées par une destruction partielle des facultés psychiques, et par un trouble profond de celles qui persistent encore; le type de ce genre est l’état maniaque, aigu ou chronique. — Enfin la troisième classe renferme les aliénations qui manifestent une destruction plus ou moins complète de toutes les facultés : telles sont la démence sénile et la démence proprement dite, qui termine naturellement toutes les folies pathologiques.


II.

Les folies de la première classe que M. Despine propose de désigner par le nom de folies instinctives, se présentent sous trois formes principales, appelées par Esquirol lésion de l’intelligence, lésion des affections, lésion de la volonté.

Dans la première forme, la folie se manifeste par une ou plusieurs idées délirantes créées par l’imagination sous l’influence d’une passion dominante, passion qu’a suscitée dans l’esprit l’activité pathologique du cerveau. Ces idées sont toujours fausses ou absurdes, quelquefois perverses; possédé par la passion, l’esprit est dans l’impuissance de se désabuser à leur égard.

Ces passions qui suscitent les idées délirantes peuvent être de deux sortes, expansives ou dépressives. Expansives, elles sont une perversion de l’orgueil, de l’ambition, de la gaîté; elles engendrent des idées de puissance, de grandeur, de richesse; ces idées peuvent d’abord ne présenter à l’esprit aucune forme déterminée; mais bientôt l’imagination, excitée et dirigée par la passion, crée à celle-ci un objet dans lequel elle se personnifie et en quelque sorte s’adore elle-même. Alors le malade croit être prince, roi, pape, Jésus-Christ, Dieu.

Les passions dépressives, comme la tristesse, la défiance, l’anxiété, le découragement, la crainte, la terreur, donnent naissance à des idées tout opposées. Le fou se croit poursuivi par la police, persécuté par des sociétés secrètes, déshonoré, ruiné, condamné à mort. Les faits les plus insignifians sont pour lui des preuves manifestes des embûches qu’on lui dresse, les phrases les plus bienveillantes deviennent des menaces; il écoute tous les bruits, il tremble toujours, il craint tout. Celui-ci dit avoir des jambes de verre et n’ose marcher, de peur de les briser; cet autre croit ses organes détruits, obstrués; il n’a plus de sang, plus de ventre, son gosier est bouché, ou bien on empoisonne ses alimens, et, dominé par cette crainte, il refuse de boire et de manger, se laisse mourir de soif et