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par l’action de certaines fibrilles nerveuses qui s’enchevêtrent dans leur tissu; sous l’influence d’une vive émotion, ces nerfs peuvent être excités ou paralysés. De là deux effets opposés : avec la paralysie des nerfs vaso-moteurs, les vaisseaux capillaires du cerveau ne se contractent plus; par suite ils se congestionnent, et ces congestions produisent même quelquefois de petits foyers apoplectiques microscopiques. Si au contraire les nerfs vaso-moteurs sont excités, les capillaires se contractent, le cerveau reçoit moins de sang, et son activité diminue. Le docteur Wolf a reconnu que les phénomènes psychiques qui sont une exagération de l’amour-propre, — l’exaltation des passions orgueilleuses qui caractérise certains genres de folie, avec accompagnement de loquacité, d’irritabilité excessive, — sont déterminés par des congestions sanguines dues à la dilatation des vaisseaux, c’est-à-dire par la paralysie des nerfs vaso-moteurs. Au contraire, les phénomènes psychiques caractérisés par les passions tristes et dépressives de la lypémanie sont produits par la contraction des vaisseaux de l’encéphale, la pâleur de l’organe, c’est-à-dire par l’irritation des nerfs vaso-moteurs. Ces modifications morbides de la circulation cérébrale expliquent comment la folie existe souvent sans qu’il soit possible de découvrir aucune lésion dans le tissu du cerveau. Les lésions n’apparaîtront que plus tard, lorsque les troubles profonds et continus de la circulation auront plus ou moins détruit le tissu cérébral. Alors aussi les facultés intellectuelles seront plus ou moins atteintes ; c’est la période de la manie chronique, de la démence, dernier terme de la folie.

Il est en effet prouvé par l’expérience que la folie peut exister sans que les facultés intellectuelles soient altérées sensiblement. De graves perversions des facultés morales, un changement complet dans le caractère de l’individu, voilà souvent tout ce qu’on observe : l’intelligence n’est atteinte que postérieurement et par contre-coup. M. Despine va jusqu’à soutenir que, dans la folie proprement dite, les facultés intellectuelles restent absolument intactes, ce qui nous paraît une opinion bien hasardée.

On a souvent tenté de faire une classification des variétés si nombreuses de la folie; chaque aliéniste a proposé la sienne, aucune n’est encore parvenue à rallier tous les suffrages. Sans s’exagérer l’importance d’une classification qui ne répond toujours que fort imparfaitement aux complexités presque infinies de la réalité et tranche souvent à l’excès des nuances insaisissables, M. Despine, tout comme un autre, a la sienne : elle est purement psychologique. Dans une première classe, il range toutes les folies manifestées par des inspirations passionnées, fausses, bizarres, perverses, à l’égard desquelles l’esprit est aveuglé, nulle faculté antagoniste ne