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LA FOLIE
AU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE

I. De la Folie ou point de vue philosophique ou plus spécialement psychologique, par M. le docteur P. Despine, Paris 1875. — II. Le Crime et la Folie, par M. H. Maudsley, Paris 1874.


Si la raison est le privilège de l’homme, par une compensation douloureuse on en peut dire autant de la folie. Il ne semble pas en effet que les humbles facultés de l’animal soient jamais exposées à cette terrible disgrâce, et, dans l’espèce humaine elle-même, ce sont les races supérieures qui fournissent aux maladies mentales presque toutes leurs victimes. Rare chez les sauvages, chez les enfans, la folie est d’autant plus fréquente que, les besoins de l’humanité devenant plus nombreux et plus complexes, l’activité cérébrale se surexcite davantage à la poursuite des objets qui peuvent les satisfaire : la folie est ainsi, pour employer un terme scientifique, fonction de la civilisation. Triste conséquence, bien digne de provoquer les méditations du philosophe, du moraliste, de l’homme d’état! En face des perspectives de progrès illimité qu’on fait briller à nos yeux, au milieu de ces hymnes qui, de toutes parts, glorifient la toute-puissance de la raison humaine, quelques-uns se demandent avec anxiété si cette raison, agent de tout progrès, ne devient pas plus fragile par ses triomphes mêmes, si l’homme n’abuse pas jusqu’à le fausser de ce merveilleux et délicat instrument, le cerveau, si enfin, par le développement exclusif et hâtif des facultés intellectuelles, notre système d’éducation, rompant au profit d’une seule l’équilibre nécessaire de toutes les fonctions de