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comme il descendait d’une ancienne famille champenoise, il était fort estimé et aimé dans son pays. En 1685, Louis XIV révoqua l’édit de Nantes, et les rigueurs qu’on exerçait dans toute la France contre les protestans n’épargnèrent pas ceux de Sainte-Menehould, qui formaient un bon tiers de la population. On se mit à les persécuter légalement, et leur temple fut démoli. Quelques-uns abjurèrent, beaucoup prirent le parti de s’expatrier, et de ce nombre fut Louis de Marolles, Il s’enfuit avec sa famille vers la frontière allemande, mais au moment où il allait passer le Rhin et où il ne lui fallait plus pour être sauvé qu’une demi-heure de répit, — note ce détail, — les gens du roi l’arrêtèrent et le jetèrent dans une prison de Strasbourg. Sa fuite et son arrestation avaient fait quelque bruit à la cour. On lui fit dire qu’il fallait abjurer, et on lui envoya le père Dez, recteur des jésuites. Il refusa de l’entendre. Irrité par cette obstination, le ministre Louvois donna l’ordre de commencer son procès. On voulait un exemple capable d’intimider ceux qui auraient été tentés d’imiter la ferveur de ce huguenot. Le 9 mars 1686, Marelles fut condamné à « servir le roi à perpétuité comme forçat dans ses galères, » et ses biens furent confisqués. Le 14 mars, il fut transféré à la Conciergerie, et on vint le prévenir de nouveau, de la part de sa majesté, qu’il lui serait fait grâce s’il voulait se laisser catéchiser. — « Je trouve, répondit-il, ma religion bonne et préférable à toute autre. C’est, à mon avis, tenter et offenser Dieu que d’abandonner une religion que l’on aime, et je mourrai martyr de la mienne. » — Dans l’intervalle, le parlement de Paris avait confirmé la sentence des premiers juges, mais en même temps le président et le procureur-général s’étaient chargés de représenter à Louis XIV les circonstances de l’affaire et le mérite de l’homme; le roi fut inflexible, et répondit qu’il ne voulait pas faire d’exceptions.

Alors il n’y eut plus ni répit, ni pitié pour cet hérétique endurci. On lui mit les fers aux mains et au cou, et, le 20 juillet suivant, on le dirigea sur Marseille avec la chaîne des galériens. En arrivant, il était exténué et on fut obligé de le laisser à l’hôpital ; mais dès qu’il fut rétabli, on le fit monter sur une galère et on l’y enchaîna jour et nuit. Les lettres qu’il put écrire de là à sa femme et à ses enfans sont à la fois navrantes et sublimes. Quelques-unes furent interceptées et montrées au roi, mais Louis XIV resta implacable. Il est même probable que la cour donna de nouveaux ordres pour que la peine de M. de Marolles fût aggravée; on voulait le pousser à bout et briser son orgueil. Il fut tiré des galères et jeté dans un des cachots de la citadelle; ce fut sa dernière épreuve. Après six années de tortures entre quatre murailles humides où ses