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tout la mortalité des enfans, sont seuls à retarder la rapide croissance de la population rurale.

L’augmentation même de la population contraint à renouveler périodiquement les partages. Pour fournir un lot aux nouveaux venus, sans recourir à une nouvelle répartition du sol, certaines communes, surtout chez les paysans de la couronne, ont des réserves de terre. Ce fonds de réserve est tantôt loué au profit du mir, et tantôt utilisé comme vaine pâture. La densité croissante de la population, l’exiguïté des lots souvent accordés aux paysans lors de l’émancipation privent un grand nombre de villages de cette ressource. Les nouveaux venus ne peuvent alors faire valoir leur droit au sol que moyennant un partage nouveau. Le principe communiste suffirait seul à exiger des divisions périodiques, car sans de fréquentes répartitions les familles croissant inégalement, la propriété commune se trouverait bientôt inégalement répartie. On est là en face d’une des difficultés du communisme qui tend à se détruire de lui-même et de l’égalité absolue qui, pour ne pas s’évanouir sans cesse, a continuellement besoin d’être rétablie à nouveau. De là des partages fréquens; plus ils sont répétés, plus ils sont conformes au principe de la communauté et de l’égalité, mais plus aussi ils entravent l’agriculture et font obstacle à la prospérité générale.

Pour les prairies domine encore le système des partages annuels; on cite même, dans le gouvernement de Tambof, des communes qui partagent deux fois par an[1]. Il y a des districts où, comme les prairies, les champs cultivés sont encore soumis à une répartition annuelle; on en trouve des exemples dans les gouvernemens de Kalouga, de Nijni, de Voronège, etc.; dans celui de Perm, c’était jusqu’en 1872 une coutume fort répandue. Un tel régime est trop manifestement incommode, trop opposé aux intérêts du cultivateur pour être général. Les partages se font le plus souvent tous les trois ans, ce qui correspond au mode de culture le plus fréquent, à l’assolement triennal. Souvent aussi cette période de trois ans est doublée, triplée, quadruplée, et la terre est partagée tous les six, les neuf, les douze, parfois tous les quinze ans. Ailleurs, comme dans le gouvernement de Moscou, on s’est arrêté à une période décennale; ailleurs encore, comme chez les Grands-Russes du gouvernement de Voronège, les terres ne sont soumises à un nouveau partage que lors des recensemens officiels, lesquels se faisaient à des intervalles irréguliers et jusqu’ici supérieurs à une douzaine d’années. Le partage triennal a sa raison d’être dans le mode de culture, le partage aux époques de recensement dans le système

  1. Les faits et les exemples mentionnes ici et plus loin sont d’ordinaire empruntés aux dépositions de la commission d’enquête agricole.