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L’EMPIRE DES TSARS
ET LES RUSSES

II.
LES CLASSES SOCIALES

IV.
LE PAYSAN, LA FAMILLE PATRIARCALE ET LE COMMUNISME AGRAIRE[1].

L’affranchissement des serfs n’a point changé toutes les conditions d’existence du paysan russe. En le dotant de terres, l’acte d’émancipation l’a laissé dans des conditions économiques analogues à celles où il vivait du temps du servage. Le sol dont son seigneur lui concédait jadis la jouissance, le paysan en est aujourd’hui propriétaire, mais le mode de propriété est demeuré le même que l’ancien mode de jouissance. Après comme avant l’émancipation, les terres des paysans sont par eux possédées en commun, et non à titre personnel, individuel, héréditaire. Au lieu d’avoir été répartis entre les divers habitans d’un village, les lots obtenus par le rachat, restent la propriété collective, indivise de tous les membres de la commune. Le paysan, honoré par la loi du nom de propriétaire, ne possède d’ordinaire d’une manière fixe et permanente que sa cabane, son izba et le petit enclos y attenant; pour le reste, il n’est en réalité que l’usufruitier du lot par lui racheté.

Tel était de temps immémorial le mode de tenure du sol en usage chez les paysans de la Moscovie ou Grande-Russie. L’acte de libération n’y a rien changé. Loin d’abroger ce communisme agraire,

  1. Voyez la Revue du 1er avril, du 15 mai et du 1er août.