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de se choisir eux-mêmes. M. Raiz Zorrilla a été le chef du dernier cabinet du roi Amédée, et il s’est montré un politique si habile que, sans être encore républicain à cette époque, il a perdu cette monarchie dont il était chargé de conduire les affaires. M. Salmeron est un de ceux qui ont contribué à mettre la république à mal. Et quel moment choisissait-on pour lever le drapeau de la « république réformiste ? » Le moment où l’Espagne est obligée d’envoyer une partie de son armée pour avoir raison de l’insurrection de Cuba, pour reconquérir sa plus belle possession. M. Emilio Castelar, qui est un républicain d’un esprit élevé et généreux, n’a pas craint de protester contre ces manifestes et ces sinistres projets, par patriotisme a utant que par antipathie contre les recours à la force, contre tes appels à l’insurreetion.

Des tentatives de ce genre, quoique promptement et sans doute facilement déjouées, sont faites pour décider tous les groupes constitutionnels à suspendre leurs querelles, plus subtiles ou plus personnelles que sérieuses, à se rallier autour d’un gouvernement qui, après tout, a rendu à l’Espagne les premières garanties d’un régime libre. Aujourd’hui, il y a une constitution, il y a un parlement qui va bientôt se réunir de nouveau. Le chef du cabinet de Madrid a une majorité évidente dans les chambres. Plus cette majorité, avec toutes ses nuances, se montrera résolue à ne pas laisser mettre en doute la nouvelle légalité constitutionnelle, plus le président du conseil, qui a créé cette situation par sa persévérante habileté, aura de force pour maintenir l’ascendant de la polilique libérale en même temps que conservatrice à laquelle il s’est dévoué jusqu’ici. C’est l’originalité de cette restauration monarchique au-delà des Pyrénées, de cette œuvre de prudente transaction que M. Canovas del Castillo poursuit à travers toutes les difficultés, qu’il a quelquefois à défendre contre des excès opposés, contre la réaction et contre la révolution. On vient de le voir récemment encore à l’occasion de cet incident de Rome, de ces pèlerinages espagnols qui ont coïncidé avec les menaces de conspiration révolutionnaire. Quelques pèlerins espagnols, et ! M. l’archevêque de Grenade en tête, en se rendant auprès du pape, ont cru pouvoir manquer d’égards envers M. le comte Goello, représentant de l’Espagne auprès du roi Victor-Emmanuel. M. le comte Goello a signalé cette conduite à Madrid, et le cabinet de Madrid, tout catholique qu’il soit, n’a point hésité à signifier à M. l’archevêque de Grenade qu’avant de rentrer en Espagne il avait à remplir ses devoirs auprès du représentant du roi à Rome. Il a fait ce que d’autres puissances, moins exigeantes avec leurs évêques, ne font même pas. Le gouvernement espagnol suit ainsi invariablement son chemin ; c’est la force de sa politique, fondée à la fois sur la garantie des intérêts conservateurs et sur un sentiment libéral.

ch. de mazade.