Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et refait après coup par l’historien lui-même, afin de donner un corps aux récits qu’on lui faisait de l’éloquence de ce sauvage.

Les Araucans n’étaient pas parmi les Indiens les seuls qui fussent passionnés pour l’art de bien dire. Daniel de La Cruz a, dans son voyage, fait la même observation sur les Pehuenches, autre peuple établi sur le revers oriental des Andes, à la limite du pays araucan, du côté de la plaine pampéenne, et qui aujourd’hui encore a conservé les qualités remarquables que ce voyageur avait alors observées. Les Yuracarès, peuple de l’Amérique centrale, surpassaient encore leurs congénères; ils cultivaient aussi l’éloquence et la poésie, leur mythologie était des plus intéressantes : il est vrai qu’ils avaient sous les yeux un pays magnifique et naturellement fertile. Ils étaient aussi parvenus à un degré assez avancé dans l’industrie, fabriquaient des tissus de l’écorce des arbres, et les ornaient de dessins qu’ils imprimaient au moyen de planches de bois dur sur lesquelles ils les avaient sculptés.

Par contre, on chercherait vainement un langage élevé et une énergie semblable chez les Guaranis; cependant leur poésie et leur mythologie présentent aussi bien des détails fort curieux. Malheureusement toutes ces manifestations originales du génie de ce peuple ont été noyées dans l’absorption des jésuites; rares sont les écrivains qui se soient jusqu’ici appliqués à rechercher ces curiosités. Au milieu de l’écrasement dont a été victime le groupe principal des Guaranis sous les tyrans modernes du Paraguay, qui ont continué et exagéré le système des jésuites, et de la dispersion qui a été le sort commun à toutes ces tribus au milieu des forêts du Brésil, les derniers restes de la littérature guaranie ont disparu, et cette langue, qui a conservé toute sa beauté, fait contraste avec l’annihilement où est plongé le peuple qui la parle encore.


IV.

La race sud-américaine sur laquelle on a le plus écrit est la race andine du Pérou; il est naturel que sa civilisation avancée, et la facilité avec laquelle elle se livrait à l’observateur, aient attiré l’attention des archéologues. Cependant, malgré la connaissance complète que l’on a de cette nation, un point jusqu’ici est resté obscur, c’est le nom que l’on doit lui donner. Le mot péruvien ne date que de la conquête; tout le monde sait que le nom de Pérou fut donné au pays par les premiers conquérans, du nom d’une petite rivière ainsi désignée par les naturels aux Espagnols, qui crurent que c’était là le nom de toute la contrée. On ne saurait non plus donner à ce peuple le nom de Quichua, qui est celui de la