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tous les deux de dangers continuels : gagner laborieusement le pain de sa famille et servir son pays.

Marin de profession et homme de devoir, voilà l’état préparatoire par lequel il a passé pour arriver sur nos vaisseaux. En quelques mois, son éducation militaire est complète, et alors s’établit entre lui et l’officier qui le commande cette union inébranlable fondée d’une part sur l’affection du chef pour le matelot, dont il admire le dévoûment, de l’autre sur le respect du matelot pour l’incontestable valeur du supérieur, qui partage toutes ses privations, et cimentée par cette religion commune qu’ils portent en tout pays et pour laquelle ils braveront ensemble tous les périls, l’amour de la patrie.

Ajoutons aussi que cette classe d’hommes aujourd’hui si rare, les sous-officiers, ou, comme on les appelle en marine, les maîtres, ne nous fait pas défaut. Bien au contraire, jamais les cadres de nos équipages n’ont été meilleurs, et loin d’éprouver de la peine à les recruter, nous avons la douleur d’être forcés souvent par des exigences de budget de renvoyer à une vie de hasard et peut-être à la misère ces serviteurs admirables. Ajoutons enfin que, grâce à la création et à la bonne organisation de nos écoles de spécialités, écoles de canonniers, gabiers, fusiliers, timoniers, mécaniciens, aucun pays ne peut former les équipages d’une flotte de guerre avec une célérité comparable à la nôtre.

C’est tout ce personnel militaire, officiers, maîtres et matelots, qui est l’âme de notre marine, et qui en fait la force incomparable. Non-seulement nous devons nous garder d’y toucher, mais nous devons faire les sacrifices nécessaires pour le maintenir en cet état d’excellence. Malheureusement on ne s’en est pas assez préoccupé dans ces derniers temps, comme on le verra plus loin.

Pour que ce vaillant personnel rende tous les services qu’on est en droit d’attendre de lui et qu’on n’a jamais attendus en vain, il faut lui fournir une flotte de navires à monter, à mener au combat. La tâche de les construire est confiée à un corps savant, recruté en entier dans les rangs de l’École polytechnique, le corps du génie maritime. Quiconque a visité un de nos ports a dû être frappé du nombre exceptionnel d’hommes remarquables que ce corps compte dans ses rangs. Comme leurs confrères du génie militaire, nos ingénieurs apportent des bancs de l’école la science, et avec elle le goût, la passion du travail méthodique et consciencieux. Sous une direction qui tempère chez eux ce que les idées mathématiques ont parfois de trop absolu, ils sont pour l’état d’incomparables serviteurs, et nos constructions navales ne peuvent. être en de meilleures mains. Seulement il y aurait quelques modifications à faire dans l’organisation du corps et dans ses attributions.