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de ne faire point de différence entre ceux de la créance grecque et la nostre, d’ouïr leurs messes, d’honorer leurs ecclésiastiques, de faire le signe de la croix comme eux, d’observer leurs jeûnes, et les imiter le plus qu’il est possible, de faire cheminer leurs ecclésiastiques à la teste de nostre armée. »

Le pieux diplomate ne dissimulait pas dans son livre qu’il éprouverait une joie indicible si le dessein en question pouvait s’effectuer avant que Dieu disposât de lui. Il n’eut pas la satisfaction accordée jadis au vieillard Siméon. Il partit et les Turcs restèrent. Pourtant la diplomatie française, quelque positive qu’elle fût, aimait à avoir toujours sur le métier un plan contre les Turcs. En 1621, Des Hayes fit un voyage dans le Levant sur l’ordre de Louis XIII. À son retour, il publia une relation intéressante, où il avertit le lecteur que la puissance du sultan n’est plus que l’ombre d’elle-même. La guerre de Trente ans ne permit pas un seul instant de songer à la croisade. Cependant le capucin Joseph du Tremblay, l’alter ego du cardinal de Richelieu, au milieu des négociations les plus ardues, composait, dit-on, un long poème, la Turciade, pour inviter les chrétiens à la délivrance de Constantinople et de Jérusalem.


III.

C’est au temps de Louis XIV que se sont décidées les destinées de l’empire ottoman. Avant le XVIIe siècle, cet empire, dirige par une dynastie que Montaigne proclamait « la première race du monde en fortune guerrière, » et dont Cervantes reconnaissait la surprenante sagacité, s’était maintenu intact en dépit de quelques revers et de quelques insurrections. À partir du XVIIe siècle, la minorité ou l’imbécillité des princes le fit tomber sous la tutelle des validés et des kislar-agas. Osman et Ibrahim furent étranglés, Mustapha et Mahomet IV déposés. Le règne de Mahomet IV[1] fut, croyons-nous, l’âge critique de la domination turque. À défaut d’un grand-seigneur vraiment digne de ce nom, les Ottomans eurent des grands vizirs d’un génie incontestable, les Kiuprili. Sous leur impulsion, l’islamisme reprit sa marche triomphante. Du vivant même d’Ibrahim avait commencé ce fameux siège de Candie qui devait durer plus longtemps que la guerre de Troie. En 1645 paraissait à Bologne le Classicum ad sacrum bellum, plus pressant que le Turca Νίϰητος, publié bien antérieurement à Francfort. L’idée de la croisade était remise en avant, et le roi de France était convie en termes

  1. Voyez de Vize, Histoire de Mahomet IV dépossédé, 1688 (2 vol. in-12) Nous n’avons trouvé le second volume de cette curieuse relation qu’à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.