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et d’ethnologie. C’était pour celle-là qu’étaient ses préférences dans les dernières années de sa vie; il s’y montrait plus assidu qu’à la section de géologie, qui avait peut-être moins d’attrait pour lui depuis que s’y produisaient les doctrines révolutionnaires dont il a été question plus haut. A Londres aussi, la Société de géographie l’attirait de plus en plus. Il en avait été l’un des premiers adhérens lors de la fondation en 1830; après l’avoir présidée une première fois en 1845, il avait repris le fauteuil en 1852 pour ne plus le quitter qu’à sa mort. Ce n’était pas sans de bons motifs que ses confrères le maintenaient si longtemps à la première place, car il avait été des premiers à discerner dans quel sens devaient être conduites les études géographiques. Bien des gens sourient encore à l’idée de traiter la géographie comme une science, sous prétexte qu’elle n’exige ni de profonds calculs comme la mécanique, ni des observations délicates comme la physique ou l’astronomie; mais, pour explorer le globe avec succès, il faut, outre des qualités morales et physiques assez rares, une dose d’instruction que peu de personnes possèdent. Pour interpréter avec sagacité les résultats que les voyageurs rapportent de leurs excursions, pour éliminer les observations douteuses, pour tracer à ceux qui partent un plan de campagne utile, il ne faut rien ignorer de ce qu’ont décrit ceux qui sont déjà revenus. La géographie est donc une science, science facile si l’on veut, sujette à beaucoup d’erreurs, parce que les ignorans s’en occupent autant et plus que les initiés. Murchison possédait cet ensemble de connaissances qui permet de s’en occuper avec fruit. Il avait surtout l’habileté de juger les hommes et de distinguer assez vite quels sont ceux dont il convient de se défier et ceux qui méritent confiance.

Aussi s’était-il épris du plus vif enthousiasme pour Livingstone. On s’en souvient, l’intrépide missionnaire disparaissait, dans les derniers temps, pendant des années entières. Murchison ne cessait d’organiser des expéditions nouvelles pour les envoyer à la recherche de son ami. Tout explorateur lointain qui avait fait ses preuves, que ce fût dans l’Afrique centrale, en Australie ou sur la route du pôle nord, pouvait compter sur le concours du président de la Société de géographie de Londres. Revenus dans la mère patrie, c’était lui qui les présentait au monde savant, qui les mettait en relief, et c’était lui aussi qui leur préparait les moyens d’aller à de nouvelles découvertes.

Ainsi s’écoulait la vieillesse de Murchison. En 1869, un grand malheur l’avait frappé : il était devenu veuf. Lady Murchison avait partagé ses travaux, ou plutôt elle en avait été l’inspiratrice, puisque c’était par son influence qu’il s’était arraché à la vie oisive de ses