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fauteuil de la présidence dans une assemblée. Il avait le tact, la facilité d’élocution, la présence d’esprit qu’exige cette haute fonction. Ses brillantes qualités mondaines lui permettaient d’acquérir à l’étranger, au cours de ses voyages, un relief que d’autres n’auraient jamais eu. À Paris, il fréquente Cuvier, Brongniart, Élie de Beaumont, les maîtres de la science géologique en France. En Allemagne, il ne se contente pas de cette société savante. Durant un séjour à Vienne, bien accueilli par lord Cowley, qui était alors ambassadeur de la Grande-Bretagne en Autriche, il dîne un soir à la même table que Metternich. L’un des convives manifeste des scrupules à propos du désaccord que chacun pressent entre les découvertes géologiques et la tradition mosaïque. Murchison était fort embarrassé d’y répondre. On le sait déjà, les théories n’étaient pas son fait. Combien ne fut-il pas étonné d’entendre l’illustre diplomate discourir tout au long sur ce sujet scabreux ! N’étant encore qu’attaché d’ambassade, racontait-il, il avait suivi les cours de Cuvier. En savait-il réellement bien long ? C’est au moins douteux, et quelqu’un prit soin d’avenir Murchison que toute cette conversation était pure affaire d’apparat. Le savant anglais s’y était trompé cependant. Metternich en fut flatté sans doute, quelque habitué qu’il fût à en tromper de plus fins et sur des sujets de plus d’importance.

De retour à Londres chaque hiver, Murchison s’y donnait un rôle qu’aucun de ses confrères de la Société géologique peut-être n’eût pu remplir comme lui. Son salon était ouvert à toutes les illustrations de l’époque. Les étrangers avec lesquels il avait noué des relations au cours de ses voyages s’y retrouvaient en compagnie de savans, d’artistes, même d’hommes politiques. L’un de ses graves soucis, pendant les années où il fut président, était de se préparer une belle audience. Par avance, il exhortait les timides, il stimulait les paresseux ; avoir la lecture d’au moins un mémoire intéressant, et à la suite une discussion sur le sujet de cette lecture, voilà le programme qu’il lui fallait remplir à chaque séance. Il n’y épargnait aucune démarche ; l’attrait que de telles réunions avait pour le monde sérieux ou frivole de son entourage habituel était la récompense qu’il ambitionnait.

C’est là de la science d’amateur, se dira-t-on. C’est incontestable. Toutefois Murchison ne s’en contenta point. Plusieurs années d’études préparatoires lui avaient permis de reconnaître le côté faible des études géologiques. Quelques explications techniques sont ici nécessaires afin que l’on juge mieux de quelle nature et de quelle étendue était le champ qu’il allait entreprendre de défricher. Cuvier et Brongniart avaient, avec une admirable sagacité, démêlé ce que contient le terrain parisien ; d’autres, en France, en Allemagne, en