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principe énoncé plus haut, suivant la façon dont ses travaux seront appréciés. Sir Roderick Impey Murchison a été comblé d’honneurs à l’étranger, anobli dans son pays natal ; les plus fameuses sociétés savantes le voulaient avoir non-seulement comme affilié, mais encore comme président. En France, il était associé de l’Académie des Sciences; ailleurs, il avait reçu les témoignages d’estime les plus flatteurs des souverains ou des académies. Pourtant la politique, à qui sont dues dans notre siècle les plus brillantes réputations, ne l’a jamais occupé. Murchison a été, pendant les dernières années surtout, le porte-drapeau des géologues, le représentant officiel en quelque sorte des explorateurs du globe, dans un pays où tout le monde s’intéresse à l’étude de la terre. Son histoire est en même temps l’histoire des plus récentes découvertes géographiques et des progrès de la géologie. Aussi la biographie de ce simple savant offre-t-elle un intérêt général presque autant que si c’était un homme d’état. Après l’avoir lue, on jugera dans quelle proportion la chance et le travail doivent se combiner, à défaut du génie, pour rendre un nom célèbre.


I.

La critique moderne, qui veut expliquer les aptitudes d’un homme par les circonstances au milieu desquelles il s’est développé, trouverait que le héros de cette biographie est d’un type peu commun. Dans les cantons les plus sauvages du Ross-shire, au nord-ouest de l’Ecosse, occupé jadis par le clan Mackenzie, vivait une famille Murdoch, Murdochson ou, comme on écrivit plus tard, Murchison. Au XVIe siècle, cette famille possédait le château d’Eilandonan. Les routes carrossables étaient alors inconnues dans ce pays ; les seuls navires qui fréquentaient ce littoral, si bien découpé par la nature, étaient des contrebandiers. Les idées modernes ne pouvaient y pénétrer d’aucun côté. Aussi les highlanders restaient-ils soumis à leurs chefs héréditaires et leurs chefs fidèles à la vieille dynastie des Stuarts. Le comte de Seaforth, chef des Mackenzies, prit part à la révolte de 1715 ; sous ses ordres marchait une troupe de Murchisons commandée par un certain colonel Donald, qui peut bien passer pour l’un des plus vaillans montagnards de l’époque. Après la défaite de Sheriffmuir, le comte, réfugié en France, eut toutes ses terres confisquées. Donald Murchison soutint un siège dans son château d’Eilandonan; s’étant encore échappé, il s’institua le régisseur des domaines de Seaforth, dont la couronne prétendait s’approprier les revenus. Deux fois le délégué de l’autorité royale voulut