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Les Anglais construisent beaucoup plus de navires en fer qu’ils n’en construisent en bois, et ce système, que nous ne pouvons adopter en raison de sa cherté, est encore une cause d’infériorité pour notre marine. Les avantages qu’offrent les bâtimens en fer sont, considérables : facilité de construction, durée, force, contenance plus grande et réparations moins fréquentes. Un navire en métal de 700 tonneaux peut porter une centaine de tonneaux de plus qu’un bâtiment en bois de même capacité. C’est 15 pour 100 de profit pour le premier ; les Anglais savent si bien cela, que sur 369,000 tonneaux construits en Angleterre pendant le cours de l’année 1868, 208,101, c’est-à-dire 56 pour 100, étaient la part des navires en fer.

On a fait également la remarque que les armateurs français, qui font du cabotage une spécialité ne se servent jamais que de bâtimens à voiles. On sait à quels contre-temps incessans sont soumis ces petits bateaux, jouets des vents, des calmes, des marées, des visites de douane et d’équipages mal composés. Qui de nous n’a vu un de ces lourds cabotiers, les voiles flottantes et le pavillon collé au mât, attendre pendant de longues heures, à la sortie des ports, une brise propice pour prendre le large ? Tant de délais forcés font qu’un navire à voiles dépense en temps perdu une somme qui dépasse celle qu’il lui faudrait pour naviguer au charbon. Demandez aux capitaines des bateaux à vapeur qui font à peu près. tous.les quinze jours, et sans perdre de vue les côtes, le trajet des Sables-d’Olonne à Cardiff et vice versa, si leurs armateurs auraient intérêt à remplacer la vapeur par la voile : ils vous répondront que la voile serait la ruine de leurs patrons ou plutôt de la Compagnie de la Vendée.

Les chambres de commerce françaises en général se plaignent, avec beaucoup de raison, de ce que les armateurs soient contraints de ne former leurs équipages qu’avec des matelots faisant partie de l’inscription maritime. Les Anglais prennent leurs hommes où ils veulent et où ils peuvent en rencontrer. Rien non plus ne les oblige à rapatrier leurs équipages ; s’il leur plaît d’abandonner ces derniers dans un port quelconque, fût-ce aux antipodes, aucune loi ne peut les en empêcher. Ce n’est pas tout : si un armateur français désire, par exemple, n’engager ses matelots que pour la traversée de Marseille à Calcutta, et s’il trouve des hommes disposés à prendre cet engagement, le commissaire de l’inscription maritime s’y oppose ou exige que l’armateur soit tenu, dans ce cas, de faire revenir en France les hommes à ses frais. Avec une pareille contrainte, un négociant est souvent obligé de renoncer à l’entreprise commerciale qu’il avait en vue et de la laisser faire à des capitaines étrangers. Lorsque ceux-ci débarqueront à Calcutta, ils congédieront