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de compter pour cela sur un abaissement du prix de revient, qui semble plutôt devoir s’élever, sauf peut-être pour les lignites, dont il reste encore à utiliser d’une manière plus complète les menus. D’un autre côté, le tarif différentiel adopté pour l’exportation par les compagnies houillères du Gard accorde déjà une réduction de 3 ou 4 francs, c’est-à-dire de 20 pour 100, sur le prix ordinaire au carreau, et il serait difficile d’aller plus loin. Mais on pourrait obtenir une diminution du prix de transport, abréger les délais de livraison, simplifier les manutentions et perfectionner l’outillage des ports de Marseille. En Angleterre, un navire en quête de charbon peut faire sa demande par le télégraphe, recevoir sa cargaison et la mettre à bord en vingt-quatre heures. De la Levade (Grand’Combe) à Marseille-Joliette, la distance est de 191 kilomètres, et le délai légal de livraison par le chemin de fer de Lyon-Méditerranée est de cinq jours ; mais la compagnie a stipulé, comme condition de son tarif d’exportation à prix réduit, un surcroît facultatif de délai qui est encore de cinq jours ; avec les formalités aux docks, etc., il peut donc s’écouler entre la demande et la livraison à bord douze jours, soit, comparativement aux ports anglais, onze jours de perdus, — onze jours pendant lesquels les frais du stationnement à quai viennent grossir le total des frais de l’opération. En abrégeant ces délais onéreux, en réduisant un peu les tarifs des transports et en introduisant quelques améliorations dans les manutentions et les procédés d’embarquement, il serait certainement possible de rapprocher beaucoup les prix des charbons français qui partent de Marseille de ceux des charbons anglais expédiés de Newcastle ou de Cardiff. Le faible écart qui resterait encore serait racheté par une légère diminution du fret, sacrifice dont l’importance s’efface d’ailleurs à mesure que le trajet s’allonge et que le fret représente une somme plus considérable. Ainsi, pour vendre à Changhaï la tonne d’agglomérés du Gard au prix de 76 francs, qui est celui du charbon de Cardiff (gros pour vapeur), le navire français se contenterait d’un fret de 50 francs, tandis que l’anglais gagne 60 francs. N’oublions pas qu’il s’agit ici d’un fret de sortie, pour lequel les armateurs peuvent consentir à des conditions très inférieures à celles du fret commercial ordinaire.

En supposant que tous les conseils qu’il donne soient suivis, M. de Ruolz estime que nous pourrions supplanter dès à présent le quart, et peut-être bientôt la moitié de l’exportation anglaise dans la Méditerranée et la Mer-Noire, qui s’élève aujourd’hui à 2 millions de tonnes. En outre, une forte partie du lest embarqué à Marseille par les navires qui partent pour d’autres destinations devrait être remplacée par du charbon français. On arrive ainsi à une