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environ, et le reste, 304,000 tonnes, a été exporté[1] ; ce n’est qu’en étendant leurs débouchés à l’étranger que les mines du Gard espèrent pouvoir développer leurs extractions, qui dépassent déjà les besoins de leurs cliens français.

Il suffit d’un coup d’œil sur les cartes d’ensemble des bassins anglais et des bassins français pour se convaincre que les premiers peuvent suffire à la consommation intérieure, mais non les seconds, qui sont trop disséminés et en général trop éloignés des centres industriels. « Pour que, sur notre littoral du nord-ouest ou de l’ouest, nos charbons pussent remplacer les houilles anglaises, disait M. de Ruolz en 1869, — il faudrait que le prix de ces dernières sur le carreau des mines, augmenté du fret moyen d’Angleterre en France (13 francs), égalât le prix de nos houilles au carreau, augmenté d’une moyenne de 30 francs de frais de transport ; mais alors, sur toute la zone du littoral, depuis Dieppe jusqu’à Bayonne, on serait obligé de payer le charbon 50 francs ! » On l’a payé ce prix-là en 1872, et cela n’a point empêché l’importation, car les charbonnages français ne se sont pas fait faute de profiter de la hausse pour élever aussi leurs prix de vente. Nos marchés, surtout ceux de la région du Nord, sont solidaires des marchés anglais et belges, et les prix ne tombent pas, tant que l’offre n’excède pas la demande[2]. Selon toute probabilité, l’Angleterre gardera donc la clientèle de notre littoral atlantique, et si nos houillères doivent forcer leur production, c’est plutôt en vue de l’exportation maritime. Il est difficile de dire si le stock d’une exportation largement organisée nous eût servi, en 1872, à combattre efficacement la hausse sur les marchés français : on a bien vu que l’exportation anglaise n’a pas empêché la hausse en Angleterre ; mais il est certain qu’en 1872

  1. 207,000 tonnes ont été expédiées par navires à vapeur, 58,000 par navires à fret, 39,000 par terre sur l’Italie (par Vintimille). Dans le chiffre total de ces expéditions, les agglomérés entraient pour moitié.
  2. Déjà en 1860 on avait va une hausse subite, causée par une panique de la consommation, et suivie en 1867 d’une panique de la production et d’une baisse extraordinaire. Ces grandes variations des prix résultent souvent des conditions spéciales des charbons déposés en stocks. « Les manufacturiers, disait à ce propos en 1868 M. Amédée Burat, ne veulent pas faire d’approvisionnemens, parce que ces approvisionnemens absorbent les capitaux et donnent lieu à des déchets. Par les mêmes raisons, les exploitans veulent se débarrasser à tout prix des stocks en magasin, d’où il résulte que pour une production de 24 millions de tonnes, qui est celle des houillères de la France et de la Belgique, il suffira de moins de 1 million de tonnes de stock flottant et offert pour déterminer une baisse, tandis que, si le stock n’en donne que 200,000 ou 300,000, il y aura un mouvement inverse aussi prononcé, parce que les consommateurs effrayés demanderont simultanément trois ou quatre fois ce qu’il leur faudrait, dans la crainte de ne pas obtenir les quantités nécessaires. » Il en est des charbons comme des céréales : le seul remède est d’avoir des houillères nombreuses dont la production offre une certaine élasticité, et de favoriser la diffusion de leurs produits sur tous les points du territoire.