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houille anglaises, que la mer rapproche d’elles, et ne cesseront pas d’importer du charbon quand même l’extraction indigène viendrait à doubler ; de même certains bassins français, s’ils produisaient davantage, ne pourraient jamais écouler tous leurs produits sur les marchés indigènes, et seraient forcés d’exporter le surplus. C’est ainsi que déjà, en 1867, il s’est organisé à Marseille une société en participation entre plusieurs compagnies houillères du Midi, qui a expédié dans les quatre premiers mois de son existence 200 navires avec un fret de 40,000 tonnes de charbon, et dans le total de l’exportation maritime de houilles françaises en 1872 (544,000 tonnes) Marseille entre pour 87,000 tonnes, Cette pour 50,000 tonnes, etc.

Tout dépend évidemment de la situation géographique des bassins. Le marché de chaque bassin houiller est circonscrit par les besoins de la consommation d’une zone qui s’étend jusqu’aux points où les frais de transport augmentent assez le prix de vente pour que ses produits soient battus par ceux de quelque autre bassin. Si le chiffre de la quantité susceptible d’être vendue dans ce rayon propre du bassin est inférieur à celui de sa production possible, il faut, ou qu’il laisse enfoui l’excédant de ses richesses minérales exploitables, ou bien, s’il est suffisamment rapproché de la mer, qu’il utilise cet excédant en l’exportant par le port le plus voisin.

Supposons, par exemple, que notre bassin du Gard possédât une richesse égale à celle du bassin de Northumberland, qui à lui seul produit 28 millions de tonnes par an, — 5 millions de plus que n’en consomme la France entière ; croit-on que ce bassin pourrait tenter de chasser les houilles anglaises de notre littoral de l’Ouest, depuis Dieppe jusqu’à Bordeaux ? Ce serait oublier que ses charbons, pour arriver à Nantes par exemple, seraient grevés d’un trajet de 807 kilomètres, c’est-à-dire, au tarif le plus bas des chemins de fer, de 36 francs par tonne de frais de transport, tandis que le fret des houilles anglaises, de Cardiff à Nantes, est de 11 ou 12 francs. Le bassin du Gard, quand même il produirait 28 millions de tonnes, ne pourrait donc pas dépasser à l’intérieur son rayon naturel, borné par la concurrence des bassins de la Loire, de Graissessac, de Carmaux, de l’Aveyron ; il y placerait le million de tonnes qu’il y écoule aujourd’hui, et il exporterait tout le reste, en partie par terre sur la Suisse et l’Italie, et en grandes masses sur la Méditerranée. Les ingénieurs qui dirigent les compagnies houillères du Gard considèrent en effet le développement de leur exploitation comme entièrement subordonné au progrès de l’exportation maritime : ils visent les marchés de l’Italie, du Levant, même de l’Inde, et ne songent nullement à conquérir ceux de Saint-Malo, Nantes ou Bordeaux. La production réelle de ce bassin s’élevait en 1872 à 1,300,000 tonnes. Il a trouvé à placer dans son rayon de vente 1 million de tonnes