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les ports français[1]. Même à la faible moyenne de 250 tonnes par navire, cela ne représente pas encore le chargement de 2,000 navires : c’est bien peu à côté des 60,000 navires qui prennent du charbon dans les ports anglais. Il est vrai que l’importation de plus de 2 millions de tonnes de houilles anglaises doit être comptée dans le mouvement charbonnier de nos ports ; mais le pavillon français n’y figure que pour un quart. Cette abstention va si loin que, en 1872, sur 4,000 navires français qui revenaient d’Angleterre, 3,500 étaient répartis sur lest. Ils jaugeaient en moyenne 120 tonneaux. Pourquoi n’ont-ils point cherché à obtenir un chargement de houille ? La cause principale de ce fâcheux état de choses paraît être la faible dimension de nos navires, qui nécessite un personnel trop nombreux et des frais généraux trop élevés. Ajoutons, pour compléter le contraste, que les navires partis pour l’étranger sur lest représentaient en Angleterre 13 pour 100, en France 33 pour 100 du tonnage général des sorties.


II

N’est-il pas temps de chercher sérieusement les moyens de modifier cette situation ? Est-il besoin de rappeler tous les services que l’exportation houillère, — cette émigration de force, — rend au commerce et à la marine de la Grande-Bretagne, — services qu’elle pourrait nous rendre également dans une mesure en rapport avec le tonnage des deux flottes ? Nous avons déjà vu qu’en Angleterre le transport maritime et la vente des charbons procurent aux propriétaires des mines et aux armateurs des bénéfices qui en 1864 étaient évalués à 250 millions de francs. En 1873, les expéditions ayant augmenté de moitié et le prix du charbon s’étant élevé, ce chiffre a du dépasser 450 millions. Puis la houille, en fournissant aux navires de commerce anglais un fret de sortie abondant et toujours assuré, leur permet non-seulement de transporter à bas prix les marchandises légères destinées à l’exportation, mais de réduire de moitié le tarif du fret de retour. Ce sont là des conditions qui rendent la lutte difficile pour les navires des autres nations : l’Anglais a, pour ainsi dire, en main tous les atouts.

Eh bien ! ce contingent qu’elle apporte au commerce extérieur et ces facilités prodigieuses qu’elle procure à l’industrie pour l’écoulement de ses produits ne constituent peut-être pas le service le plus grand que l’exportation charbonnière rend à la Grande-Bretagne ; elle est surtout d’une importance capitale pour le

  1. En 1869, la quantité de houilles embarquées dans les ports français pour l’étranger ou pour le cabotage s’était élevée à 573,000 tonnes ; il y a donc en 1872 une diminution de 101,000 tonnes.