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françaises dans la région du Nord, où il pénètre par les ports de la Manche, — seul ou presque seul sur nos côtes atlantiques, depuis la Bretagne jusqu’au Béarn.

M. de Ruolz à son tour a dressé une carte générale de la pénétration des houilles anglaises à l’intérieur de la France ; on y trouve indiqués par des chiffres rouges, à côté de chaque ville qui reçoit des charbons anglais, les ports qui les lui expédient. On voit ainsi d’un coup d’œil comment ces utiles émissaires de la Grande-Bretagne s’insinuent dans nos ports et remontent les fleuves jusqu’aux points qui marquent le rayon de vente des mines indigènes. Ainsi pour Orléans les ports importateurs sont Nantes, Saint-Nazaire, La Rochelle ; la houille anglaise qui remonte la Loire rencontre à Orléans les charbons de Saint-Étienne. Sur 120,000 tonnes qui arrivent, à Nantes, 2,500 seulement sont de provenance française : ce sont des charbons de la Loire apportés par le chemin de fer ; environ 50,000 tonnes de ces arrivages sont expédiées à l’intérieur. A Bordeaux, l’arrivage est de 200,000 tonnes, dont 4,000 seulement la provenance française, et 36,000 tonnes environ sont dirigées vers l’intérieur par les chemins de fer d’Orléans et du Midi, par la Garonne et le canal latéral, etc. On voit que, sur le littoral de l’Atlantique, la houille anglaise domine encore sans conteste ; mais la pénétration à l’intérieur ne dépasse guère Tours, Poitiers, Angoulême, Périgueux, Toulouse : ce sont les points où le courant d’importation se trouve neutralisé par le contre-courant des petits bassins houillers du centre de la France.

Dans les ports du littoral de la Méditerranée, la proportion des arrivages anglais et français est renversée : on y rencontre encore le charbon de Cardiff et de Newcastle, malgré le long détour qu’il a du faire par le détroit de Gibraltar, mais il ne sert qu’à l’alimentation de la marine à vapeur, et ne pénètre point à l’intérieur. Ainsi en 1867 Marseille recevait seulement 20,000 tonnes de charbons anglais contre 620,000 tonnes de houilles françaises des bassins d’Alais, de la Loire, de Graissessac, des Bouches-du-Rhône.[1], et à Cette, sur 112,000 tonnes, la Grande-Bretagne en fournissait à peine 1,000.

Il n’en est pas moins vrai que depuis quelques années le total de notre importation se maintient aux environs de 7 millions de tonnes, c’est-à-dire qu’elle représente à peu près le tiers de notre consommation. C’est une proportion qui ne laisse pas d’être inquiétante lorsqu’on songe qu’il s’agit ici du « pain quotidien de l’industrie, » et que, par une raison ou une autre, les arrivages pourraient être subitement arrêtés : ce serait le chômage de toutes nos usines, car

  1. En 1872, le total des arrivages a été, à Marseille, de 811,000 tonnes, dont 100,000 ont été exportées ou réexportées.