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suspend ses stalactites de glace aux chênes centenaires, qu’elle nous fasse visiter les écuries monumentales installées dans une chapelle gothique, qu’elle nous introduise dans les réunions élégantes, dîners, raouts, soirées de musique, bals entre soi, causeries au coin du feu, tout est intéressant par la peinture vive et chaudement colorée de la haute vie anglaise à la fois saine et opulente, laissant une large place aux joies comme aux devoirs de la famille et aux exercices hygiéniques ! du dehors.

C’est en honneur du jeune ménage Grandcourt que se ; donnent toutes les fêtes, et on ne soupçonne guère que ce couple si récemment uni soit divisé déjà par la plus cruelle incompatibilité d’humeur. Jamais Gwendoline n’a été plus belle ; Deronda est bien forcé de s’en apercevoir, comme tout le monde ; mais avant tous les autres il s’aperçoit aussi que sous son luxe, chèrement payé, elle est malheureuse. Ces diamans, qui éclairent une tête et des épaules dignes d’appartenir à quelque duchesse de Van Dyck, la brûlent et l’écrasent ; elle ne les eût jamais portés, si un jour qu’elle allait descendre vêtue de blanc, un pendant d’émeraude au cou, Grandcourt n’eût répondu à sa question : — Suis-je bien comme vous le désirez ? — Non, mettez vos diamans. — Et il les attache lui-même, sans violence, mais résolument. Gwendoline a compris que toute révolte serait inutile. On ne raisonne pas avec Grandcourt, il n’y a aucune chance de le toucher, il faut qu’on lui cède ; cette même main, fine et soignée, qui assujétit le fermoir du collier, s’abattrait sur elle au besoin comme sur un chien désobéissant ou sur un cheval rétif. — Pourquoi avez-vous froid ? demande-t-il après avoir posé le dernier diamant. Tâchez de vous réchauffe ; : je hais, qu’une femme ait l’air gelé. Puisque vous avez à vous montrer en nouvelle mariée, montrez-vous décemment.

Le despotisme de Grandcourt est stimulé par un sentiment complexe où le dépit se mêle au dédain et à la dureté. Il a remarqué que Gwendoline cherche une sorte de refuge auprès de Deronda, qu’elle tourne parfois vers lui un regard de détresse quand son mari lui a fait trop rudement « sentir le mors, » pour nous servir de sa propre expression, et répondre au bridon. Il surprend des demi-mots qui révèlent entre eux une entente tacite. Deronda, pour son malheur, a une de ces physionomies transparentes qui reflètent toutes les impressions : plus d’une fois l’indignation, la pitié, quelque chose qui ressemble à de la tendresse, sont venus s’y peindre assez visiblement pour émouvoir Gwendoline et pour déplaire à Grandcourt. La femme qui lui appartient intéresse ce fat, comme il le nomme ; elle occupe sa pensée, il ne le permettra pas. Certain soir que Mme Grandcourt a enroulé autour de son poignet le collier étrusque naguère mis en gage : — Quelle est cette chose hideuse