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Apaches, Corbeaux, Sioux, Serpens, Pieds-Noirs, Têtes-Plates, en somme les représentans d’une cinquantaine de tribus, amenés du fond des prairies, des gorges des Montagnes-Rocheuses et de la Sierra-Nevada, des plateaux du grand désert et des vallées ou des rivages du Pacifique, devaient s’installer dans les terrains du centenaire, sous la conduite d’un guide sûr et de divers interprètes. C’aurait été assurément une des plus grandes curiosités de la foire philadelphienne, mais aucun de ces hommes n’est venu. Le gouvernement fédéral, — engagé dès le mois de mai dans une guerre avec les Sioux, où il a essuyé, après quelques semaines d’escarmouches, une défaite dont ni un officier, ni un soldat n’est retourné, pas même le brave général Custer qui commandait l’expédition, n’a point jugé sans doute opportun d’amener à Philadelphie des sauvages à moitié soumis. Ceux-ci auraient pu lui causer quelque ennui, eu égard au triste incident qu’on vient de rappeler. Pour les amateurs à tout prix du pittoresque, il a fallu se réduire à quelques Peaux-Rouges civilisés, des Cherokees, des Creeks, qui ont apparu par instans, ou bien à une bande d’Iroquois, qui sont venus en habits de gala, de Montréal et de Québec ou plutôt de leurs villages du Saint-Laurent, jouer à Philadelphie le jeu traditionnel de la crosse et y défier les blancs. Ce jeu consiste à lancer et à recevoir la balle dans le camp avec une large raquette qui a la forme d’une crosse d’évêque, d’où le nom que lui ont donné les anciens pionniers français du Canada.

À cette fête internationale, provoquée par un glorieux centenaire, et où chacun des exposans s’évertue à concentrer sur lui l’attention, les savans, les visiteurs distingués ne manquent point. Il en est venu, il en vient encore un grand nombre d’Europe et de l’Amérique du Sud, ceux-ci pour étudier plus particulièrement le système scolaire ou pénitencier, ceux-là le merveilleux développement agricole des États-Unis. D’autres sont plus volontiers attirés par l’intéressante organisation des chemins de fer, ou les mines, les usines, les manufactures de ce magnifique pays. Tous s’inquiètent de ses institutions politiques et de la manière dont elles fonctionnent. On admire ses méthodes colonisatrices, qui ont changé si promptement les prairies et les déserts de l’Ouest en fertiles campagnes ; on applaudit à l’accueil si libéral, si empressé, fait à tous les immigrans, et qui permet à tant de déshérités, à tant de mécontens de l’Europe, de trouver un foyer aux États-Unis avec le bien-être, l’indépendance et souvent la fortune qui leur ont manqué au pays natal.

A tous les visiteurs qui se recommandent à un titre quelconque, ingénieurs, professeurs, savans, journalistes, industriels, membres du jury ou des délégations ouvrières, l’hospitalité américaine s’étend de la façon la plus large et la plus généreuse. Ils sont de toutes les