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journaux, on y attend le chemin de fer. Voici le photographie building, le pavillon des photographes, dont les œuvres viennent vous poursuivre jusque-là, ou encore le log-house du pionnier, construit de troncs d’arbres couchés à plat et cimentés de terre argileuse, ou bien une maison américaine du « bon vieux temps, » Avec tous les ustensiles, tous les meubles des siècles passés. Entrez ; les femmes gracieuses qui font les honneurs de cette habitation, reconstituée avec le soin jaloux d’un antiquaire, portent le costume de nos bisaïeules. Le rouet et la quenouille sont dans un coin, une vieille bible sur la table, la faïence à images et les cuillers d’étain ornent le bahut de chêne, et aux murs est appendue une gravure datant de l’arrivée des pèlerins. Applaudissons à cette heureuse invocation du passé, et continuons notre course.

Singer, un des rois des machines à coudre, occupe un pavillon élégant qui sollicite le visiteur. De jolies et accordes ouvrières meuvent du pied la machine aux oscillations rapides, et confectionnent sous vos yeux les broderies les plus délicates, les plus compliquées. A côté est le « pavillon des bibles, » où l’Ancien et le Nouveau-Testament, imprimés dans toutes les langues de l’univers, sont donnés pour rien aux chalands ; plus loin une boulangerie viennoise où l’on apprend aux Américains, aussi arriérés en cela que les Anglais, bien qu’ils produisent les plus belles farines, comment il faut pétrir et cuire le pain. Puis viennent une verrerie, une briqueterie, où l’on travaille également, une scierie de bois canadienne, où l’on débite des troncs tout entiers. Un instant, on avait eu l’idée, pour donner l’image de l’exploitation d’une forêt, de mettre en coupe réglée une partie des beaux arbres du parc : rien n’est sacré pour l’Américain. Auprès du main building ou de la galerie des machines, l’exposition de la carrosserie, des locomotives, des cuirs, de la cordonnerie, occupent autant de pavillons distincts, où les profanes n’entrent guère. Ils préfèrent se rendre à la boutique japonaise, où l’on vend les mille bibelots de l’extrême Asie et où la foule ne cesse d’accourir et d’acheter.

Voici maintenant un café tunisien, où la liqueur noire est servie avec Le marc dans de petites tasses, et où, sur une estrade où sont accroupis les musiciens, danse voluptueusement une almée, au grand. mécontentement des dévots, qui ont fini par faire fermer ce lieu de perdition ; un café turc, où l’on fume l’odorant tombekir dans le chibouk ou le narguileh en buvant l’enivrant mastic de Chio. Non loin de ce café, un vieux musulman bonasse et barbu, vêtu comme un mammamouchi de Molière, vend des éponges de Syrie, de l’eau de rose de Stamboul, et débite des chapelets en bois du mont des Oliviers, ou de petits coffrets sur lesquels sont inscrits je ne sais quels caractères hébraïques. Il n’a pas fallu moins