la sauvagesse, jusqu’aux broderies les plus délicates faites par les dames élégantes des pays civilisés. Des métiers en mouvement tissent des étoffes, des soieries, et aux murs sont appendus des aquarelles, des dessins, des tableaux ; plus loin sont des modelages, des sculptures. Qui a fait tout cela ? La femme. Sur un dressoir, des produits pharmaceutiques, tous préparés par les jeunes étudiantes qui suivent les cours du collège de pharmacie à Philadelphie. La reine Victoria, les princesses d’Angleterre, l’impératrice d’Allemagne, l’impératrice du Brésil, plusieurs grandes dames de France, ont d’elles-mêmes envoyé quelques-unes de leurs œuvres les plus soignées, et l’on peut ainsi parcourir d’un coup d’œil, dans cette galerie qu’aucune exposition n’avait encore imaginée, tous les travaux féminins, depuis ceux de la pauvre Indienne qui confine presqu’à la bestialité, jusqu’à ceux de la femme assise sur le trône, qui n’a plus rien à désirer ici-bas.
Bien que nous soyons dans le pays où l’on a tenté d’affranchir la femme, où l’association vigilante des women rights a demandé pour elle tous les droits sociaux et politiques et a profité du centenaire pour provoquer une nouvelle agitation, il ne faudrait point croire que l’exposition, avec son pavillon des femmes, ait pris sous sa sauvegarde toutes les revendications du sexe faible. Non ; les infatigables inspiratrices de « l’association pour les droits des femmes, » les Élisabeth Caddy Stanton, les Susan Anthony, les Anna Dickinson, les Phœbe Cozzens, les Harriet Beecher Stowe, qui ont compté parmi leurs adhérens Dickens et Stuart Mill en Angleterre, en seront encore cette fois pour leurs frais, car le peuple américain est de sens rassis, malgré les excentricités qu’il tolère. Il sait bien d’ailleurs que tout ce mouvement, que tout ce flux d’éloquence féminine s’en vont bien vite en fumée, que ces grandes agitatrices n’ont pas même les femmes avec elles, et qu’elles demanderont longtemps en vain des droits que la nature elle-même semble leur avoir refusés. « Qui donc pensera à nous, qui nous choyera, nous courtisera, qui sera soumis à tous nos caprices, quand nous serons les égales des hommes ? » disait un jour une belle enfant de New-York ; et la jeune Américaine avait raison. Voyez plutôt ce qu’ont obtenu les blooméristes, dont les prétentions cependant ne se bornent qu’à émanciper la femme dans son costume. La secte a presque entièrement disparu dans un immense éclat de rire. Un jour, à l’exposition de Philadelphie, deux de ces rares survivantes ont osé se risquer au pavillon des femmes. Elles portaient un chapeau tyrolien, une redingote ouverte, serrée à la ceinture, un gilet, des pantalettes bouffantes, fermées au genou, des brodequins en élastiques. L’une avait les cheveux tombant en tresses frisées sur le front, l’autre des anglaises à la mode antique, roulées en spirale