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aucune mention pour le contre-maître ou le chef ouvrier, sans l’inspiration, sans la participation desquels tant de belles choses n’eussent pu être produites. Franchement, c’est pousser trop loin l’amour de l’uniformité, de l’égalité démocratique, et cette façon singulière d’accorder les prix et de récompenser chacun nous paraît irrévocablement jugée et condamnée. On a récompensé à peu près tout le monde, 75 pour 100 des exposans ; on n’a satisfait presque personne.


II. — LES NATIONS EXPOSANTES.

L’exposition de Philadelphie n’est point un « fiasco, » comme quelques mécontens le disent. Appelons-en d’un jugement aussi sommaire. Les États-Unis, qui sont chez eux, ont entendu y briller, et ils ont réussi. On ne reverra peut-être plus, dans aucune exposition, un tel déploiement de machines-outils, toutes ingénieusement imaginées en vue de faire faire à la machine le travail de l’ouvrier, et de diminuer, en donnant en quelque sorte à l’instrument inerte l’intelligence qui lui manque, le prix de la main-d’œuvre, qui en Amérique est considérable. On ne reverra peut-être plus une telle quantité de machines agricoles, qui sont aussi des espèces de machines-outils, et où les Américains, avec les Mac-Cormick et les Wood, sont reconnus maîtres sur tous, même sur les Anglais.

La machine verticale de 2,000 chevaux, à deux cylindres, construite par le fameux Corliss de Providence sur des principes entièrement neufs, et qui donne le mouvement à tous les mécanismes de l’exposition, est aussi un modèle en son genre, et il sera difficile de faire mieux. Ceux qui ont visité à Gand la filature de la Lys, une des plus belles d’Europe, ont pu remarquer que la machine motrice principale de cet établissement sortait précisément des ateliers de M. Corliss. C’est déjà un sujet d’étonnement de trouver dans un pays industriel comme la Belgique, où existe entre autres l’usine de Seraing, rivale de notre Creusot, une machine américaine. L’habileté, le renom du constructeur, expliquent cette apparente anomalie ; mais on peut dire que M. Corliss s’est encore surpassé dans l’exécution de la grande machine motrice de l’exposition de Philadelphie. La transformation du mouvement rectiligne en mouvement circulaire se fait sans l’addition d’aucun parallélogramme, au moyen de deux simples bielles reliant d’une part la tige du piston avec le balancier, et de l’autre le balancier avec la manivelle de l’arbre du volant. Celui-ci est placé entre les deux manivelles. Le diamètre des cylindres est de 1 mètre, la course du piston de 3 mètres, le nombre de tours par minute de 36. Ce sont des soupapes qui règlent l’admission et la détente de la vapeur. Celle-ci est fournie par vingt chaudières verticales du type Corliss. Le poids