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MON ONCLE BARBASSOU


TROISIEME PARTIE[1].

XXII.


A la vue de Kondjé-Gul, tu devines mon désarroi ; je me sentis rougir jusqu’aux oreilles. Qu’allait-il se passer ? Par un mouvement instinctif, je m’étais dissimulé dans un groupe de causeurs. Un peu timide, elle recevait les complimens de la baronne. J’entendis ces mots :

— Je remercie notre ami, mademoiselle, qui nous fait la grâce de vous amener ; Maud et Suzannah m’avaient déjà tant parlé de vous que j’avais grand désir de vous connaître. La surprenante beauté de la belle étrangère avait fait sensation, et, tous les regards fixés sur elle, elle n’osait lever les yeux. Pourtant il fallait prévenir le péril où pouvait nous jeter la moindre inprudence et l’avertir avant que la baronne eût l’idée de me présenter au commodore et à ses filles ; enfin, par une manœuvre assez habile,

je réussis à me glisser derrière ma tante à un moment où elle

l’entretenait. En m’apercevant, Kondjé-Gul ne put se défendre d’un mouvement de surprise ; mais j’avais eu le temps de placer mon doigt sur mes lèvres et d’un geste rapide de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas me reconnaître. Nos rencontres du bois, le matin, l’avaient heureusement déjà préparée à cette dissimulation nécessaire ; elle eut assez d’empire sur elle-même pour ne point trahir notre secret. Ha tante se retournait au même instant, me voyant près de son fauteuil : — Ah ! André, me dit-elle, venez que je vous présente à mademoiselle.

Kondje-Gul rougit pendant que je m’inclinais devant elle, et me

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 août.