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ennemis de la république et du gouvernement parlementaire, toujours prêts à profiter de nos fautes, ne manqueraient pas de dire au pays : Regarde et instruis-toi, c’est là le gouvernement des assemblées.

Nos représentans ont trop de bon sens et de patriotisme pour donner ce spectacle aux amis et aux ennemis de la république, en permettant plus longtemps à l’esprit de parti de prévaloir sur le salut du pays. Déjà le sénat parait être entré avant la clôture de la session dans la voie de conciliation qui doit aboutir à une vraie majorité constitutionnelle, en élisant M. Dufaure. Puissions-nous revoir souvent ce que nous avons vu dans cette élection, l’entente des constitutionnels et des républicains ! Et puisse la chambre des députés suivre bientôt cet exemple ! Autrement, à quoi nous servirait la constitution qu’on a eu tant de peine à faire ? Elle resterait une vaine formule qu’une boutade du suffrage universel ou un coup de force ferait rentrer dans le néant, comme son aînée de 1848. Le parti républicain tient en ce moment dans sa main les destinées de France. La république, même avec la constitution, n’a pas, comme paraît le croire M. de Marcère, la merveilleuse vertu de clore l’ère des révolutions ; tout dépend du gouvernement et du parti qui la dirigeront. Nous ne dirons pas qu’il n’y a plus de faute à commettre, puisqu’on n’a presque encore rien fait. Nous pensons seulement qu’il ne faudrait pas beaucoup de fautes graves pour remettre à l’ordre du jour des élections populaires la restauration d’un régime que tous ceux qui ont souci de la liberté, de l’honneur, de l’indépendance du pays croyaient à jamais enseveli dans le désastre de Sedan. Il fut un temps où les institutions de notre pays avaient la force de sauver le pouvoir des malheurs de la fortune, de l’incapacité ou de la folie. Ce temps-là est passé, même pour les pouvoirs fondés sur la tradition. Nul gouvernement, quoi qu’on dise, ne résisterait moins que la république à de pareilles épreuves. Il faut que le pays se sente gouverné. Pour cela, il faut que le gouvernement lui-même se sente soutenu par une sûre et solide majorité qu’il ne craigne pas de perdre au premier jour, et dont il n’ait point à acheter sans cesse le concours par des concessions ou des transactions incompatibles avec les principes d’un gouvernement libéral et conservateur.

Le pays veut être gouverné, disons-nous ; il n’y a point d’illusion à se faire à cet égard. En certains pays, comme les États-Unis et la Suisse, la république est le gouvernement des peuples qui se gouvernent eux-mêmes et ne veulent point se sentir gouvernés. La démocratie française n’en est pas là, et jusqu’au moment où elle aura atteint l’âge de majorité par l’éducation de l’école et par la pratique de ses institutions, elle voudra être gouvernée. Un ministre républicain de l’instruction publique, M. Jules Simon, l’a dit