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actuelle. Ce n’est pas le moment, si toutefois la chose est jamais bonne, de rien faire qui puisse affaiblir le pouvoir, et lui rendre l’administration plus difficile. Ne sera-ce point l’effet de la loi municipale votée récemment ? Quelle situation ne fait-on pas à ces préfets auxquels on enlève les moyens de faire respecter les décisions et les actes de l’autorité centrale, à ces maires élus le plus souvent par une coterie maîtresse des votes du conseil, qui perdront ainsi devant leurs administrés le prestige de l’investiture du pouvoir politique ? Est-ce là une loi de sagesse pratique, ou une loi de démocratie aveugle qui ne cherche en tout que la satisfaction de son principe, au mépris de l’expérience et de la réalité ? M. de Marcère a dit un mot qui n’aurait rien de bien rassurant pour les intérêts et les principes conservateurs, s’il avait la portée d’une théorie. Le gouvernement n’aurait autre chose à faire, selon lui, qu’à dégager la vérité du jour des variations politiques de l’opinion. La vérité, oui, la vérité pratique, bien entendu, mais la vérité du jour ? Que resterait-il donc de vertu conservatrice dans la politique du gouvernement ? La politique pratique, nous en convenons, vit de concessions et de transactions ; mais il est des limites à ces concessions et à ces transactions, il est des principes auxquels il faut s’arrêter dans la politique de ménagemens et d’accommodemens. L’un de ces principes, M. Bocher l’a démontré avec une force irrésistible, c’est le droit de l’état, contre lequel nulle logique démocratique n’eût du prévaloir, le droit de l’état qui répond de l’unité nationale et de l’ordre intérieur dans toutes les communes de France. Et, par parenthèse, on peut s’étonner que le gouvernement, si ferme, si résolu à défendre, et avec grande raison, ce même droit de l’état, dans la question de la collation des grades, ait cru devoir céder sans résistance sur une loi qui supprime tout lien entre la commune et l’état.

Une politique libérale, — ce mot a la vertu de plaire à tous les partis. Républicains même radicaux, conservateurs même légitimistes, prendraient pour une injure toute réserve faite à leur égard sur ce point. Il n’y a guère que les partisans de l’empire qui n’osent s’en couvrir, et encore, sans parler du libéralisme et du socialisme du chef de la branche cadette, Napoléon III ne se disait-il pas, et même ne se croyait-il pas libéral ? Ici donc il est encore bon de s’entendre sur le mot. Pour nous, la politique libérale est tout d’abord celle qui veut la liberté pour tous, amis ou adversaires. Le vrai libéral est celui qui n’entend défendre qu’une seule et même chose, la liberté, soit qu’il soutienne le droit de l’état contre les prétentions ambitieuses de l’église, soit qu’il soutienne le droit de l’église contre l’intervention illégitime de l’état. Il croit que, s’il est juste de respecter la liberté de la conscience religieuse, il ne l’est pas moins