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les administrateurs éprouvés qui ont servi honnêtement et honorablement le pays sous d’autres régimes, et qui sont prêts à mettre encore à son service, sous le gouvernement républicain, leur capacité, leur expérience et leur légitime influence. Comme disait M. Thiers à Bordeaux, en s’adressant à des gardes nationaux qui étourdissaient ses oreilles de cris peu convenables sous les armes : il s’agit moins de crier Vive la république ! que de la faire vivre. C’est la république ouverte et non fermée que veut le pays, la république constitutionnelle, qui n’est plus le gouvernement d’un parti. Il serait aussi dangereux de la fermer à tous ceux qui veulent la servir loyalement, que de l’ouvrir à ceux qui ne songent qu’a la trahir. Si la république actuelle avec toutes ses garanties d’ordre et de liberté a chance de vivre et de durer, c’est parce qu’elle a été faite ou acceptée et par conséquent peut être pratiquée par le patriotisme des hommes de toute opinion qui, en cette décisive occasion, ont su préférer leur pays à leur parti. Le jour où l’intolérance et l’exclusion systématique en feraient un gouvernement de parti, elle rouvrirait l’arène à la guerre acharnée des autres partis, qui ne peuvent déposer les armes que devant un gouvernement de paix, de justice et de conciliation.

Une politique constitutionnelle n’est pas non plus sans doute une nouveauté théorique, dans le programme que recommande la situation. Que serait la politique d’un gouvernement qui ne prendrait pas pour base la constitution en vertu de laquelle il existe ? Mais quand on sait toutes les ambitions secrètes, toutes les réserves des partis sur telle ou telle partie et sur le principe même de cette constitution, on comprend l’opportunité d’une telle formule. Nous disons les partis, sans en excepter le parti républicain, dont un groupe tout au moins tend à séparer la république de la constitution. Celle-ci n’est pour certains républicains qu’une application incomplète, très peu logique, fausse même sur quelques points, du principe républicain. Tandis que les légitimistes intransigeans ne font que subir avec tristesse la loi qui leur est imposée, en attendant le jour suprême du couronnement de leur prince, tandis que les bonapartistes impatiens travaillent le suffrage universel pour l’amener à une prochaine restauration de l’empire, ces républicains, plus dévoués à la république qu’à la constitution, songent déjà à en préparer une révision qui serait une métamorphose complète, n’en laissant subsister que le titre. La république sans épithète, sans aucune des garanties dont la constitution entoure le principe démocratique sur lequel elle repose, sans président, sans sénat, sans aucun partage de la souveraineté nationale, avec une assemblée unique en permanence, en un mot la démocratie pure avec toutes ses conséquences politiques et sociales, par l’application absolue et