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élections, entreprend, dit-on, une croisade contre les libertés et les idées modernes.

En attendant que la majorité républicaine de la chambre des députés nous permette de la juger sur ses paroles et sur ses actes, nous ne croyons pas risquer de nous tromper en la décomposant dans ses groupes divers. Ce qui saute aux yeux tout d’abord, c’est que ces groupes, parfaitement unis contre les adversaires de la république, ne s’entendent ni sur l’application du principe républicain, ni sur le choix des fonctionnaires chargés de le pratiquer. Il y a en premier lieu le groupe des radicaux intransigeans qui se disent les seuls vrais républicains, et que nous nous contentons de considérer comme les seuls vrais radicaux, dans le sens propre du mot. Adversaires et amis, adversaires surtout, ont tellement abusé de ce qualificatif, dans la lutte des partis, qu’il est impossible de s’entendre sur le classement des groupes, avant de l’avoir nettement défini. Radical, socialiste, jacobin, révolutionnaire, c’est tout un pour le public, qui confond toutes ces variétés de l’espèce intransigeante, parce qu’il les voit réunies le plus souvent dans l’action, sous le drapeau de la république. En y regardant de près, les différences sont visibles. Le révolutionnaire est pour les coups de force, d’en bas surtout, d’en haut au besoin, qui changent brusquement la constitution d’un pays, au risque de le jeter dans l’anarchie. Le jacobin, le lendemain de la révolution qu’il a contribué à faire, entreprend de rétablir l’ordre par la dictature et la toute-puissance de l’état, à l’exemple des montagnards de notre grande révolution. Le socialiste, préoccupé des questions dites sociales, subordonne toute forme politique à la solution de ces questions ; c’est pourquoi on le trouve partout, dans les rangs des partis monarchiques, surtout du parti bonapartiste, comme dans ceux du parti républicain. Le vrai radical est le républicain qui pousse le principe à toutes ses conséquences, sans trop se soucier des difficultés pratiques qui peuvent arrêter son imperturbable logique. Noble espèce de politique s’il en fut, qui a toujours les yeux fixés sur l’idéal, et qui répéterait volontiers avec M. Royer-Collard : « Ce n’est qu’un fait, je le méprise. » Le radicalisme est la politique de l’absolu ; c’est-à-dire qu’il est plutôt une école qu’un parti, et a sa place dans la philosophie plutôt que dans la politique pratique. Pris dans un sens rigoureux, le radicalisme n’est point propre au parti républicain ; il peut convenir tout autant au parti monarchique intransigeant. Si l’un réclame le principe électif avec toutes ses conséquences, l’autre réclame, également avec toutes ses conséquences, le principe d’autorité traditionnelle. C’est d’un côté la démocratie, de l’autre la monarchie à outrance, c’est-à-dire l’application rigoureuse d’un principe, d’une idée, d’un droit absolu ; c’est ce que les radicaux de