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constitutionnelles, de gauche et de droite, s’entendent sur un programme bien défini pour former une majorité de conciliation. C’est la première et la plus importante question à résoudre dans la prochaine session. En attendant, nous ne croyons pas qu’il existe au sénat une majorité même de résistance, et, au besoin, de dissolution, ce qui d’ailleurs ne nous rassurerait pas du tout sur l’avenir de nos institutions ; ce n’est pas la lutte entre les deux chambres, c’est l’entente qui est à désirer. La dissolution n’est qu’une mesure extrême imposée à un gouvernement par la nécessité.

La chambre des députés n’offre pas le même spectacle d’une assemblée partagée en deux moitiés presque égales. Le parti républicain y compte pour les trois quarts environ, et la minorité y est profondément divisée en constitutionnels, légitimistes intransigeans, et bonapartistes qui en forment le groupe le plus nombreux de beaucoup. C’est ce parti qui prend surtout la parole dans la minorité, et on sait avec quel aplomb, quel oubli du passé, quelle confiance dans l’avenir il s’en sert pour glorifier l’empire et dénigrer la république. On pourrait dire que, sauf quelques brillantes individualités plus ardentes à défendre la religion que la monarchie, la lutte n’existe guère qu’entre le parti républicain et le parti de l’empire. La chambre des députés ainsi composée, on pouvait espérer, ce semble, une majorité toute faite d’avance pour y soutenir le gouvernement de la république constitutionnelle. Les premiers débats, et surtout les manœuvres parlementaires qui les ont préparés, ont bien vite montré que la situation n’est point aussi simple. D’abord, au lieu de s’expliquer immédiatement sur le programme du nouveau gouvernement porté à la tribune par le nouveau ministère, ce qui était la question urgente, la majorité républicaine s’est laissé égarer dans des questions rétrospectives et dangereuses, comme l’amnistie, ou dans des questions de personnes et de partis, comme l’annulation de certaines élections. Elle en est encore là, et jusqu’ici aucune importante discussion de politique spéculative ou de politique pratique n’a révélé le talent, la portée d’intelligence, la science des affaires, l’élévation d’idées et de sentimens qui font l’honneur et la valeur des grandes assemblées. Tout ce qu’il est possible de constater dans ces discussions personnelles et passionnées, c’est un assez vif esprit de parti contre toute élection non républicaine et de violentes rancunes contre les candidatures dites cléricales. N’y eût-il, dans ces invalidations trop fréquentes d’élections antipathiques et dans ces validations invariables d’élections sympathiques, que des justices sévèrement égales, c’est ce que nous n’oserions affirmer. Ce qui ressort de ces débats, c’est une véritable colère contre l’action des préfets et des maires de l’ordre moral, et une méfiance extrême contre le clergé qui, en réclamant le droit de se mêler des