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les dynasties traditionnelles prendre le chemin de l’exil quand elles sont frappées de ces incapacités fatales dont un ministre de la révolution de juillet parlait à propos des Stuarts et des Bourbons de la branche aînée ? Tout gouvernement est tenu de faire ses preuves, de les faire sans cesse et sans relâche, et sa durée, qu’il fait trop souvent dépendre de son origine, se mesure au bienfait de son action politique et administrative. Tout ce qu’ont voulu les auteurs de la constitution actuelle, c’est qu’elle fût soumise, dans sa révision éventuelle, à la délibération des pouvoirs publics. C’est là une sérieuse garantie, soit contre les révolutions d’en bas ou d’en haut, soit contre les coups de tête du suffrage universel, qui pourraient en changer brusquement là forme. Le pays peut ainsi compter sur de longues années de paix sociale et d’ordre matériel, si aucune force extra-légale ne vient peser sur ses destinées.

Le pays a d’autant plus raison de se rassurer que cette constitution ne ferme pas seulement la porte aux guerres civiles et aux révolutions populaires, mais que, tout en respectant scrupuleusement le suffrage universel, elle en modère les entraînemens par des contre-poids et des correctifs reconnus nécessaires, tels que le partage du pouvoir souverain, un président rééligible, avec le droit de dissolution et de suspension, avec la faculté de nommer à tous les emplois, un sénat jouissant des mêmes attributions que la chambre des députés, plus le droit de concourir à la dissolution de la seconde chambre, une loi électorale substituant le scrutin uninominal au scrutin de liste, etc. Ces diverses dispositions de la loi constitutionnelle sont autant de garanties efficaces contre les tendances révolutionnaires, anarchiques ou dictatoriales, d’une démocratie absolue. Lors donc que le gouvernement insiste sur le caractère à la fois conservateur et libéral de notre république constitutionnelle, il ne fait qu’éclairer, en le rassurant, un pays où l’institution républicaine n’a point encore régulièrement fonctionné. La république de 92 ne fut que la révolution luttant contre l’ennemi extérieur et intérieur. La république de 1848, sortie tout à coup d’une émeute changée par un incident en une insurrection, glissa d’abord dans le sang de la guerre civile, puis vint tomber assassinée aux pieds de l’homme du 2 décembre. La république de 1870 ne fut qu’une dictature impuissante à sauver le pays d’une invasion provoquée par l’empire, mais qui eut le mérite de sauver l’honneur national par l’effort héroïque d’un beau désespoir. L’institution républicaine ne date même pas du jour où l’assemblée nationale proclama la déchéance définitive de la dynastie impériale et créa un gouvernement provisoire, avec le nom de république, sous la présidence de l’illustre homme d’état à qui elle confiait la mission