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il serait étrange qu’une œuvre de pacification entreprise par des puissances telles que l’Angleterre, la France, la Russie, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, fût tenue en échec par la résistance d’un petit peuple que la protection de l’Europe préserve peut-être seule d’un désastre. Et voilà pourquoi le secret de la paix de demain est moins autour d’Alexinatz, sur la Morava ou à Belgrade, qu’à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Paris, à Berlin ou à Vienne, partout où le sentiment des grands intérêts du monde parle assez haut pour montrer le danger de la continuation d’un conflit désormais inutile.

Certes, quoi qu’il arrive, si la paix du monde devait être menacée, la France n’y serait pour rien. Moins que jamais elle serait disposée à soutenir une politique compromettante et à se jeter dans des aventures où les intérêts les plus immédiats de sa défense ne seraient pas en jeu. Une note à demi officielle paraissait hier, pour la rassurer sur la marche des affaires d’Orient ; on a toujours raison de la rassurer, on n’a pas besoin de la calmer. Elle a par-dessus tout aujourd’hui le goût du calme, et, qu’on ne s’y trompe pas, ce sentiment qui anime la France n’est nullement une abdication, c’est un sentiment tranquille et sérieux de recueillement. La France est une nation devenue parfaitement raisonnable, sachant qu’elle a beaucoup à faire pour reconstituer sa puissance, décidée à ne rien négliger pour arriver à son but, et jusque-là aussi insensible aux excitations, aux impatiences des grands rôles extérieurs qu’aux agitations intérieures que de médiocres déclamateurs essaieraient de réveiller ou de prolonger. Aussi, dans ce mois d’automne qui vient de s’écouler au milieu des travaux paisibles, si la France s’est intéressée à quelque chose, ce n’est point assurément à tous ces importuns anniversaires, à ces évocations de dates lugubres dont les politiques de banquets et de banlieue se sont fait une triste distraction ; elle ne s’intéresse même pas extrêmement au « congrès ouvrier » qui tient ses assises en ce moment, bien qu’après tout ces réunions, où se déploie naïvement l’esprit socialiste, soient fort instructives.

Les esprits sérieux et dévoués à leur pays ont réservé leur intérêt pour un spectacle plus réconfortant, pour ces grandes manœuvres qui viennent de se dérouler, qui sont l’expérience de nos nouvelles institutions militaires. Sur plus d’un point de la France, dans l’est sous le commandement de M. le duc d’Aumale, dans l’Isère sous les ordres du général Bourbaki, dans le Morvan sous la direction du général Ducrot, autour de Dreux par le concours du général Lebrun et du général Deligny, partout les manœuvres ont été exécutées sérieusement, régulièrement ; elles ont pu donner la mesure des progrès accomplis dans l’organisation de nos corps d’armée, dans l’instruction militaire des troupes. C’est la plus utile école de guerre pour nos officiers comme pour nos soldats, et M. le président de la république a tenu à voir par