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de la science et de la philosophie sous le principe des causes finales, il est possible d’en prévoir les conclusions. La science ne suivra pas la philosophie dans ses abstractions métaphysiques ou dans ses inductions psychologiques sur la nature et l’action de la cause finale. De même la philosophie ne suivra pas la science dans ses négations et ses exclusions systématiques concernant le principe de finalité. L’idée d’une puissance infinie, une dans son but et son action, multiple dans ses moyens et ses types de création, créant éternellement et incessamment, ne détruisant jamais que pour créer, poursuivant dans son œuvre immense, dont la perfection est le but et le progrès la loi, le développement d’un dessein que toutes les découvertes et toutes les théories de la science révèlent et démontrent : voilà ce que tout savant, comme tout philosophe, peut admettre, pourvu qu’il ait l’esprit élevé. Quels sont les attributs de cette puissance que la philosophie puisse lui prêter sans tomber dans l’illusion ou l’abstraction ? Pense-t-elle, veut-elle, agit-elle, sent-elle, a-t-elle conscience, comme la cause finale qu’on appelle l’homme ? ou ne faut-il la concevoir qu’avec les attributs de l’aveugle destin ? Nous ne craindrons pas de répondre que nulle science et nulle philosophie n’a le droit de risquer de telles hypothèses. Que connaît-on de cette Cause dont l’Écriture sainte a dit que nul mortel n’a vu la face ? Ses œuvres. Et que nous disent ses œuvres ? Que la Cause est éternelle, tandis que les œuvres sont éphémères, qu’elle est partout, tandis que les œuvres occupent un espace déterminé, qu’elle est infinie dans sa puissance créatrice, tandis que les œuvres sont bornées dans leur perfection et leur durée. Qui pourrait dire qu’une telle cause n’a pas plus d’intelligence que l’animal suivant son instinct, pas plus de volonté que la pierre qui roule, emportée par la force d’attraction ? Mais qui pourrait dire aussi que cette intelligence voit comme la nôtre, que cette volonté délibère comme la nôtre ?

Quelque arrêtée que soit notre doctrine sur l’immanence de la Cause finale créatrice, nous n’aimons pas qu’on vienne nous dire, avec Hegel et M. Renan, que Dieu se fait. « L’œuvre universelle de tout ce qui vit est de faire Dieu parfait, de contribuer à la grande résultante définitive qui clora le cercle des choses par l’unité. » Sans doute ni Hegel, ni M. Renan, ne sont dupes des formules qu’ils emploient ; nous croyons les voir sourire quand de graves docteurs en théologie, ou d’excellens professeurs de logique leur disent que ce langage est d’une révoltante absurdité, que l’essence même de la nature divine, c’est l’être, par opposition au devenir. Nous n’en trouvons pas moins ce langage incorrect. Nous consentons bien à ne pas faire du Dieu vivant quelque chose d’immuable