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ordonnances furent portées à la connaissance des communes chrétiennes par l’entremise de leurs évêques. Comment furent-elles interprétées ? — A quoi vous servirait d’avoir de meilleures écoles ? s’empressa de dire à ses ouailles l’archevêque de Nissa ? Voulez-vous faire de vos enfans des hérétiques ou des incrédules ? Mieux vaut que nous fassions des collectes pour bâtir des églises. De vastes temples élevés à la gloire de Dieu sont les meilleures des écoles. — La nouvelle église de Nissa, commencée en 1859, absorba tous les fonds de la commune et peut servir de document pour nous apprendre comment le clergé grec traverse et paralyse les rares velléités que peut avoir la Porte d’améliorer le sort des rajahs. »

Les Bulgares connaissent leur mal, ils sont désireux d’en guérir, et à plusieurs reprises ils ont adressé de pressans appels au médecin, qui ne les a point entendus. Comme dit le proverbe oriental, on n’habille pas un homme qui n’a pas de chemise en lui donnant des boucles d’oreilles. Les Bulgares n’aspirent point pour le moment à conquérir leur indépendance politique ; nous, doutons que les gouverneurs ou les princes chrétiens qu’on pourrait leur octroyer fissent bien leur affaire ; selon toute apparence, ces gouverneurs s’occuperaient beaucoup moins d’administrer en conscience leur province que de servir les intrigues de l’étranger, dont ils seraient les agens officieux. Il n’y a jamais eu en Bulgarie que des insurrections artificielles, et ainsi que l’a dit M. Baring, le cœur du peuple n’y était pas. En 1876 comme en 1868, en 1867, en 1862, elles ont été provoquées du dehors, et les boute-feu sont venus de Bucharest et de Belgrade, ces deux foyers permanens de conspiration contre l’intégrité de L’empire ottoman. La véritable égalité civile entre chrétiens et musulmans, des réformes sérieuses dans l’administration, dans la justice, dans l’assiette et dans la perception de l’impôt, voilà ce que réclament les Bulgares ; mais le plus cher de leurs rêves est d’avoir un autre clergé et de posséder une véritable église nationale, indépendante du patriarcat de Constantinople. M. Gladstone voudrait les délivrer de leur sultan ; c’est à leur sultan qu’ils s’adressent depuis de longues années pour qu’il Les délivre du Fanar. « Si nous sommes une fois débarrassés de nos mauvais gouverneurs et du clergé grec, qui nous mange jusqu’aux os, disait L’un d’eux, nous pourrons devenir quelque chose. Hélas ! notre bon padichah ne sait pas tout le mal qu’on nous fait. »

Les fils d’Othman ne se sont guère mis en peine de redresser les griefs de leurs sujets chrétiens. M. Gladstone est persuadé que la Sublime-Porte ne voudra jamais se réformer, et que, le voulût-elle un jour, elle ne le pourrait pas ; le Koran s’y oppose. Nous croyons plus à la puissance des mauvaises habitudes qu’à l’inflexibilité du Koran. Il n’est pas de religion positive qui n’ait eu des contestations avec le progrès et qui n’ait fini par transiger avec lui. De tous les arts utiles à la vie, le plus précieux est l’art des accommodement Le Koran n’est pas aussi