Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
M. GLADSTONE
ET
LA QUESTION BULGARE

Dernièrement un journal anglais célébrait avec un peu d’emphase le succès de la grande campagne d’agitation et de meetings organisée contre la politique du cabinet tory dans la question d’Orient ; ce journal complimentait l’Angleterre sur l’imposant spectacle qu’elle vient de donner à l’Europe attentive et étonnée. — On nous accuse souvent, disait-il, d’être un peuple positif, prosaïque, grossièrement attaché à son intérêt. Et pourtant chez quelle autre nation de l’Europe les souffrances des malheureux Bulgares ont-elles excité de brûlantes sympathies ? L’Allemagne ne s’en est point émue ; elle est demeurée froide, presque impassible. La France n’est occupée que de ses récoltes et de ses affaires de ménage. L’Angleterre seule a entendu la voix du sang innocent qui criait, et seule elle a pris en main la cause de l’opprimé. — Il est certain que l’Allemagne est restée froide, presque impassible. Selon toute apparence, elle attendit qu’on lui donnât de Berlin le signal de l’attendrissement ou de l’indignation ; ce signal n’a point été donné, et la politique mystérieuse qui préside aux destinées de l’empire germanique n’a point rompu son silence. Il est également vrai que la France s’occupe beaucoup de ses récoltes et de mettre en ordre son ménage intérieur. Les seules vertus qu’elle se pique aujourd’hui de pratiquer sont les vertus domestiques, qu’elle avait trop négligées. Elle plaint sincèrement les Bulgares, mais le soin de réparer sa maison lui laisse peu de loisirs, peu de liberté d’esprit. A qui la faute ? M. Gladstone et la politique du dernier cabinet whig y sont peut-être pour quelque chose. L’école de Manchester n’emploie guère son éloquence qu’à dénoncer au monde les iniquités commises par les petits potentats, tels que le feu roi de Naples Ferdinand II, ou par des empires malades, menacés de consomption ; mais elle y regarde à deux fois avant de se brouiller avec