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des houilles maigres à longue flamme du Centre avec les charbons demi-gras d’Anzin. Les lignites des Bouches-du-Rhône donnent d’excellens résultats pour les machines de mer en les associant aux charbons demi-gras du Gard, qui, seuls, ne produiraient pas un feu assez vif. Les anthracites de la Corse pourraient être mélangés avec les lignites de Fuveau, et ainsi de suite. Or l’agglomération seule donne le moyen d’obtenir un mélange intime et homogène. En outre, les briquettes acquièrent par la compression un degré de cohésion qui les rend spécialement propres à l’exportation maritime. Des menus de qualité médiocre peuvent ainsi donner des agglomérés qu’on trouve supérieurs à de gros charbons de bonne qualité[1]. On sait d’ailleurs que les charbons perdent de leur qualité par un long magasinage et surtout par une exposition prolongée aux intempéries, tandis que les agglomérés bien préparés résistent aux longs séjours en soutes et aux intempéries, sans se désagréger ni se détériorer. Enfin les briquettes occupent moins d’espace, et elles offrent cet avantage que, pour en vérifier la quantité, il suffit de compter au lieu de peser : c’est du charbon monnayé.

La fabrication des agglomérés se perfectionne sans cesse. Le prix de revient des briquettes dépend du prix de la houille et de celui du brai, qui est un agglutinant relativement cher, et dont le prix est sujet à des fluctuations assez fortes ; en outre, nous sommes obligés de le demander à l’Angleterre, qui seule peut le fournir en quantité suffisante. On a fait de nombreux essais pour le remplacer par d’autres matières agglutinantes, parmi lesquelles la fécule associée à l’acide phénique paraît avoir donné d’assez bons résultats ; mais jusqu’à présent on n’a pas encore trouvé de succédané qui vaille le brai sec. Comme on peut espérer que notre production en agglomérés atteindra bientôt 2 millions de tonnes[2], on voit quelle importance aurait la découverte d’un agglutinant moins cher, et pour lequel nous ne fussions pas à la merci des spéculateurs anglais.

C’est principalement sous forme d’agglomérés que les houilles du

  1. Tandis que le pouvoir de vaporisation des charbons en roches de Saint-Étienne est égal à 7,32, celui des briquettes de même provenance a été trouvé égal à 8,58, c’est-à-dire supérieur à celui des houilles de Cardin, en roches (8,30).
  2. En 1872, la fabrication des agglomérés dépassait certainement en France 1 million de tonnes, car les briquettes sont entrées pour moitié dans la consommation des six grandes compagnies de chemins de fer, qui s’élève a 2 millions de tonnes, les messageries en ont consommé 145,000 tonnes (dont 62,000 de briquettes anglaises), la marine de l’état plus de 60,000 tonnes, et ainsi de suite. En Angleterre, cette industrie commence seulement à s’acclimater : on la rencontre surtout dans le South-Wales, dont les houilles ont beaucoup d’analogie avec celles du Gard. En 1872, Cardin, et Swansea ont déjà exporté 200,000 tonnes de briquettes, qui d’ailleurs étaient inférieures aux agglomérés français,